Clara

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Un biopic musical qui ne suffit pas à combler les lacunes d’un scénario qui peine à s’imposer.

Après de nombreuses tournées en Europe, Robert et Clara Schumann reviennent en 1850 à Düsseldorf, où Robert doit prendre la direction musicale de l’orchestre de la ville. Cette période, qui verra la naissance de la Troisième symphonie dite rhénane (Die Rheinische), n’est pourtant pas si heureuse. Le compositeur Johannes Brahms, de quatorze ans plus jeune, entre dans la vie du couple, et ne vénère pas Clara pour ses seuls talents de pianiste. Lorsque Robert Schumann, psychologiquement atteint, veut se suicider, les trois musiciens virtuoses traversent une crise difficile…

Rendue célèbre grâce à Allemagne, mère blafarde en 1979, la réalisatrice Helma Sanders-Brahms revient à l’écran avec un nouveau film : Clara. Le biopic est en pleine explosion et c’est pour la réalisatrice l’occasion de faire le portrait d’une femme pas assez vue au cinéma : Clara Schumann. Helma Sanders-Brahms corrige cet oubli en dressant le portrait d’une femme d’exception ayant réussi à s’imposer à une époque où les femmes devaient encore se soumettre aux convenances.

Clara nous raconte l’implication de l’épouse dans la vie de son mari ainsi que sa participation à son succès. Alors que Robert Schumann est reconnu en tant que compositeur et chef d’orchestre de talent, il doute de plus en plus de lui-même et est sujet à des crises d’angoisse face à l’orchestre.

Le film est l’occasion de retrouver Martina Gedeck à l’écran. Récemment remarquée grâce à sa prestation dans La vie des autres, elle est aujourd’hui l’une des actrices allemandes les plus célèbres. Convaincue par le rôle de Clara Schumann, elle a tout de suite compris que sa personnalité ne se résumait pas à être la femme d’un musicien de talent. Clara est une femme qui a fait connaître et reconnaître son talent en interprétant les morceaux de son mari ; c’est elle aussi qui a véhiculé la musique de Brahms et permis son succès. Incarner cette femme, c’est incarner à la fois la mère de famille, l’épouse dévouée et la musicienne passionnée. Plusieurs rôles différents et complémentaires au sein d’une même personne. Un défi relevé par Martina Gedeck, qui réussit ici à s’approprier la passion qui devait animer Clara Schumann. L’actrice parvient à rendre compte de la pression et des responsabilités auxquelles devait faire face une femme à l’époque, et encore plus une femme comme Clara Schumann.

Helma Sanders-Brahms ne parvient malheureusement pas à insuffler un rythme soutenu à son film. Assez lent et inégal, le jeu des acteurs reste hésitant, à tel point que leur implication dans le film n’est pas toujours évidente. Si le personnage de Clara est bien interprété, Malik Zidi n’est pour sa part pas très brillant dans la peau du jeune Brahms. Connu pour sa volonté d’indépendance, Brahms prend ici l’habit d’un jeune premier amoureux et mou, sans autre but que de plaire à Clara Schumann. Le triangle amoureux mis en place a tendance à étouffer l’ensemble du film, qui devient approximatif tant sur le plan esthétique (mise en scène) que du jeu timide, hésitant et peu convaincant des deux amoureux rivaux. Pascal Greggory semble avoir du mal à trouver le ton juste. Certes Robert Schumann était maniaco-dépressif et donc d’humeur souvent changeante, mais l’acteur en fait parfois trop… ou pas assez. On peine à retrouver un Robert Schumann convaincant à travers sa prestation.

Reste la bande son, unique : une sélection de quelques unes des plus belles compositions de ces grands noms de la musique classique. Mais aussi superbe soit-elle, cette musique ne suffit pas à combler les lacunes d’un scénario qui peine à s’imposer.

Titre original : Geliebte Clara

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Durée : 104 mn


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