Barrage émotionnel
Dès son introduction donc, le long métrage met en scène la notion de « barrage ». Il est moins cette construction en travers de l’eau aperçue vers le lac où Catherine emmènera sa fille en excursion, dans un coin de nature du Luxembourg, que les obstacles que la jeune femme va rencontrer pour (ré)entamer un lien avec Alba ou communiquer naturellement avec sa mère. Beaucoup de choses font pression dans l’univers de ces trois personnages féminins : la discipline sportive quotidienne à laquelle s’astreint Alba, à grands renforts de pompes et d’exercices physiques, encouragés par une Elisabeth à la présence un peu sèche. Une distance émotionnelle plane sur elles trois, dans l’attitude aux airs revêches de Catherine, la froideur apparente d’Alba lorsqu’elle retrouve sa mère, jusque dans les lieux et les espaces qu’elles habitent : un appartement à peine investi pour Catherine qui vient de s’installer, une grande maison à la décoration austère pour une enfant, chez Elisabeth. La mise en scène dresse entre cette famille d’invisibles barrages comme autant de véritables distances affectives contrariées. Non exempt d’incursions de poésie et de légèreté, à travers des séquences entre Alba et sa mère, dotées de la légèreté musicale d’une chanson, ce portrait d’une filiation générationnelle et des motifs et échos retrouvés dans chacun des personnages comme matière d’interrogation d’un legs d’une parenté à l’autre, travaille son sujet de façon un peu dérobée, davantage par le biais de ses interprètes que par sa mise en récit.
Mère-fille
La filiation est d’autant plus palpable et explorable qu’elle met en scène un véritable duo mère fille, en la présence des actrices Isabelle Huppert et de sa fille Lolita Chammah. On ne peut s’empêcher de repérer des ressemblances, des expressions et une présence à l’écran communes : cette même bouche un peu pincée, ce port levé qui pourrait paraître hautain. Une gestuelle personnelle à la touche saccadée qui surgit à certains moments (lorsque Catherine joue avec la poupée de sa fille), traduisant une étrangeté psychologique, parfois malaisante, propre au jeu des deux actrices. Ce partage de mimes agit comme une ombre portée sur le film, filiation véritable dans la filiation créée par la fiction, le récit, invitant à réfléchir sur le processus de filiation qui nous échappe. Sur le plan narratif, la cinéaste livre des clés : une même éducation réitérée à travers cette application au tennis de compétition exigée par Elisabeth pour sa fille puis, plus tard, pour sa petite fille. De cet héritage, le long métrage cherche à avancer quelques séquences d’approfondissement : une scène de flash back mental dans le châlet ou retourne Catherine, où elle se voit, quelques années plus tôt, droguée en pleine fête de de Noël. Ces pistes de récit demeurent peu explorées, comme un arrière plan qui sert plus à expliquer les raisons de l’incapacité de Catherine à s’occuper de sa fille auparavant et ses errements actuels. Le barrage relationnel qui déroule le film, cette filiation de l’une à l’autre à questionner, trouve son incarnation la plus fine dans le rapport sinueux entre les trois actrices, comme les trois points d’une même couture, parfois invisible.