Edgar, serveur depuis 25 ans, a un job minable, une femme malade, des voisins désagréables et une vie extraconjugale médiocre. Personnage de fiction, il va frapper à la porte de l’écrivain, maître de son existence, pour se plaindre de sa vie fastidieuse. Ses exigences sont nombreuses et certainement pas les mêmes que celles de Herman, l’auteur de sa vie…
Le syndrome Pirandello aurait-il encore frappé ? Son questionnement sur le détachement possible des personnages face à leur auteur et les manipulations qui en résultent ont dépassé le seuil du théâtre pour inspirer le cinéma. Comme L’Incroyable destin d’Harold Crick de Marc Forster sorti en janvier dernier, Waiter de Alex Van Warmerdam s’interroge – à sa manière – sur la relation narrateur-personnage quand l’un prend le pas sur l’autre et inversement. Malheureusement, ce film hollandais ne convainc pas. Pas assez fouillé pour apporter une réflexion sur ce sujet, pourtant source inépuisable.
Dès les premières images, on fait la connaissance du personnage principal dans une scène loufoque et aux dialogues absurdes. Dès lors, ce registre sera adopté tout le long du film. Malheureusement, Waiter parviendra péniblement à nous décrocher un sourire : les gags sont déjà vus et calculés. Ils ne font pas rire Edgar, le héros, alors pourquoi nous ? C’est aussi par lui que le désintérêt provient. Son regard vide et son allure gauche ne facilitent pas la sympathie ; ses déboires sentimentaux sont encore moins appréciables. Au contraire, le spectateur ressent de l’agacement devant son inactivité. Pour quelles raisons, il ne se bat pas pour faire évoluer son statut de personnage et pourquoi il ne s’émancipe pas de son carcan artistique. Malgré ses quelques entrées fulgurantes et ses haussements de voix, il reste un pantin aux mains de son créateur et des seconds rôles. C’est donc dans ce qui aurait du être le centre d’intérêt du film que le réalisateur échoue. La réflexion sur ce sujet pourtant riche est réduite à des gags lourds et des disputes inutiles comme raccourcis. En effet, chaque personnage fictif s’en remet à sa colère pour contester, alors qu’il aurait été plus subtil de piéger l’écrivain. Enfin, le manque d’inspiration de l’auteur et l’intrigue sentimentale – dans le film – s’expliquent par la fait que le personnage est un « héros moderne ». Solution de dernière minute ou pamphlet injustifié contre la littérature contemporaine ?
Après ce constat décevant, à quoi se rattacher d’intéressant dans ce film ? A pas grand chose. L’intrigue reste conventionnelle, en rien attachante ni surprenante, qui plus est avec des dialogues tirés par les cheveux. L’adultère mêlée à un soupçon de thriller « à la japonaise » (un personnage japonais, sortant de nulle part est hébergé par le héros), et un brin de romantisme lors de baisers champêtres dans la campagne hollandaise auraient pu fournir un film riche et passionnant. Or, le rythme « cassé », la mise en scène plate et sans relief favorisent l’ennui et le sommeil. Le plus surprenant -voire incompréhensible- est l’image adoptée par le réalisateur. On se retrouve plongé dans une atmosphère brumeuse rappelant paradoxalement les enquêtes criminelles de Sherlock Holmes. La musique, volontiers sombre et inquiétante, ancre définitivement cette ambiance de polars et thrillers.
Alex Van Warmerdam signe une comédie plate, sans réflexion et inefficace alors qu’il avait matière à intéresser et à faire participer le spectateur. Ni les personnages, ni le sujet ne parviennent à sauver Waiter.