Certes, on peut penser qu’un homme aussi minutieux et bien entouré, même diminué par la maladie, avait forcément briefé son équipe en amont. Et l’on ne doute pas un instant du respect et de l’amour de chacun ayant conduit à faire exister ce film malgré tout. Malgré tout. Mais justement, Trésor, qui à la base est une comédie aux enjeux « sociétaux » plutôt féroces, est comme éteint par la tristesse douce qui, forcément, l’enveloppe. Par cette lenteur encore abasourdie qui marque le début d’un deuil.
Flottement, gentillesse, jeu en demi-teintes : alors que le rythme de la comédie réclame abattage et pétulance, celle-ci semble empruntée. Outrée quand il faudrait être légère, lisse quand il faudrait être mordante. À contretemps. Égarée. Mécanique. Le sujet – qui reste un bon sujet – méritait davantage d’incorrection, de transgression, d’impertinence. Jamais l’histoire de ce chien, qui devient l’enfant de substitution d’une bourgeoise fusionnelle, tyrannisant son couple jusque sur le divan d’un psy, jamais l’histoire ne parvient à s’extraire de cette amabilité tempérée. Figée dans l’hommage, la bienséance digne. Ainsi, le personnage de Nathalie – la « maman à son chien-chien » – est-il joué banalement par Mathilde Seigner, alors que, guettée par une vraie folie, on attend désespérément d’elle un pétage de plomb, une crise d’hystérie salvatrice, dans la grande tradition des comédies américaines sur le couple (ses névroses, ses affres, ses mensonges, ses capitulations irrésistibles).
Bien sûr, puisque l’on sait Claude Berri autobiographe assumé, ayant toujours nourri ses films de sa propre existence – du Vieil homme et l’enfant à L’un reste, l’autre part – on devine l’embarras à jouer et reproduire sans lui et l’acuité parfois brutale de son regard, les scènes de sa vie conjugale. De fait, Trésor, en vrai, se prénomme Georges et Nathalie serait donc Nathalie Rheims, dernière compagne de Berri et productrice associée du film. Pas simple, ni pour les comédiens (Alain Chabat est comme en retrait, mais cela sert son rôle), ni pour le réalisateur (en quoi, au fond, est-ce un film « de Dupeyron » ? Mystère…).
Presque trop neutre, ce Trésor mal nommé ? Pas si sûr… Alors qu’à l’origine Claude Berri voulait faire rire en épinglant nos manques (d’enfant, d’amour), c’est son absence, en creux, qui finit par être le trait saillant – mais désolé – de la dernière petite pièce de son grand puzzle. Tchao…