La réalisatrice de Saint-Cyr et Basse-Normandie revient avec un film nous plongeant dans l’univers cruel de l’équitation en général et du dressage en particulier. C’est peu dire qu’elle traite son sujet avec une rigueur intransigeante, quasi froide, pour mieux montrer la dureté d’un monde où passion et argent entrent souvent en conflit.
L’objectif de Sport de filles n’est pas immédiatement clair : Mazuy veut-elle parler d’équitation, de relation entre un vieil entraîneur star au bord de la crise de nerf et son élève, de la rébellion de Gracieuse (Marina Hands) contre ce monde de l’argent ? On peut au départ se sentir un peu perdu entre tous ces schémas narratifs. D’autant plus que la cinéaste reste très énigmatique dans sa façon de filmer, à dessein sans doute d’appuyer l’idée que sa narration repose sur des non-dits, des gestes aussi infimes qu’une pression des doigts sur des rênes. Cela donne une première partie longue, très longue.
On se perd également dans les points de vue que la réalisatrice nous propose. Commençant par suivre Gracieuse, jeune fille revêche, complètement tête brûlée, qui ne vit qu’à travers sa relation aux chevaux, le scénario bascule pour s’intéresser soudain au vieil entraîneur allemand (Bruno Ganz), star de sa catégorie, pris entre deux femmes richissimes. Sport de filles aurait sans doute gagné en clarté si Mazuy s’était arrêtée sur un seul de ces deux points de vues. Dernière difficulté du film : le spectateur non familier de la culture hippique n’a pas les clés pour comprendre les enjeux du récit, le scénario restant assez est hermétique pour les non-initiés. La cinéaste, à tort ou à raison, fait donc un choix narratif susceptible de fatalement réduire son audience.
Heureusement, la dernière partie du film est une excellente surprise. Alors qu’on pensait ne jamais entrer complètement dans le récit, Patricia Mazuy réduit l’intrigue à l’essentiel : la rencontre de ces deux personnages solitaires, enfermés chacun dans leur passion. Celle de la jeune fille muée en pirate et de l’entraîneur en quête de liberté. On sent que la cinéaste est beaucoup plus à l’aise dans cette dernière ligne droite : la magie opère enfin. Elle filme avec délicatesse et subtilité la scène du manège entre Franz Mann, Gracieuse et Manifestant, le cheval, pour en dégager une sensualité entre l’homme et l’animal vraiment impressionnante.
Marina Hands apporte à son personnage une brutalité, une force qu’on lui connait peu. On se souviendra longtemps de la scène où elle semble devenir sénile en récitant sa reprise de dressage « Passage, piaffer, diagonale, trot moyen, changement de pied… ». Bruno Ganz est quant à lui magistral en entraîneur bourru mélangeant dans son langage anglais, français et allemand. Reste Josiane Balasko, qu’on n’attendait pas dans ce type de rôle, qui s’offre des scènes mémorables en propriétaire de haras sans scrupule.
En résumé, si au départ de Sport de filles peut laisser perplexe, le casting irréprochable, l’impressionnante dernière partie et les plans habités d’une rare sensualité entre l’homme et le cheval sauvent ce qui reste une œuvre prioritairement adressée aux passionnés d’équitation.