Sortie DVD « La Tour sombre »

Article écrit par

Une adaptation d´un classique fantastique modeste et honorable qui sort en DVD.

Une gageure

C’était une gageure de transformer le cycle romanesque de 4000 pages de Stephen King en un film de « seulement » 1h30, mais le Danois Nikolaj Arcel, réalisateur de A Royal Affair avec Madds Mikkelsen et récompensé en 2012 à Berlin, s’en est plutôt bien sorti. Accompagné de trois coscénaristes il a su ne pas s’éparpiller et proposer pour le cinéma un récit qui, même si beaucoup de raccourcis ont naturellement été faits, convainc par sa limpidité et sa simplicité conjuguées.

On ne comprend pas tout – comme le sens de telle ou telle péripétie qui correspondrait à telle ou telle métaphore -, mais cela, finalement, ne dessert pas La Tour sombre, rendant son atmosphère encore plus onirique – peut-être en écho, précisément, aux rêves du jeune Jake Chambers.

Si on avait pu craindre qu’il le serait, le film n’est en fin de compte pas une grosse machine hollywoodienne juste destinée à faire du chiffre, mais bien plutôt un film doté d’une vraie singularité – imputable peut-être au statut d’auteur et au parcours atypique d’Arcel -, et exhalant une très respectable modestie, puisqu’il se contente finalement de quelque chose de très simple : raconter une histoire.

Pas d’esbroufe

Cela, il le fait bien, avec soin, sans débauche d’effets spéciaux – lors même que le sujet s’y prêtait -, ou sans musique extra-diégétique qui phagocyterait les images. Ici une appréciable économie de moyens est à saluer : une utilisation pas exagérée mais intelligente de certains mouvements de caméra produisant de la nervosité, ainsi qu’une sobriété dans la direction d’acteurs bien choisis. Mc Conaughey est glaçant et parfait en grand méchant rasé de très près chuchotant parfois son texte de manière envoûtante voire sensuelle ou glissant même inopinément un « Alrighty » cocasse et très texan ; tandis qu’à Idris Elba il convainc dans un registre de jeu à la fois introspectif et intense. Tous deux n’en font jamais trop, et emportent l’adhésion du spectateur par un mélange de minimalisme et d’efficacité. Les scènes lors desquelles l’Homme en Noir interprété par Mc Conaughey s’approche de ses futures victimes en leur intimant avec une voix très calme d’arrêter sur-le-champ de respirer procurent même un certain frisson.

Les ellipses, les non-dits, les raccourcis font aussi, que tout en comprenant les grandes lignes de l’histoire, une part salutaire d’interprétation est laissée au spectateur – pas toujours le cas, faut-il le rappeler, dans les grosses productions américaines qui sortent l’été. Enfin, le film présente une sympathique déclinaison d’émotions, entre le frisson déjà cité, l’émotion, et même des tentatives d’humour certes sporadiques mais tout de même présentes à deux reprises – avec l’inadaptation, très fugacement brossée – un des préjudices corrélatifs à la condensation -, du pistolero Rolando avec notre monde et, par exemple, ce qui passe à la télévision.

Pas le chef-d’œuvre de l’année, mais un très honnête divertissement dont on aime suivre une histoire à laquelle un réalisateur s’est bellement et humblement inféodé.

Titre original : The Dark Tower

Réalisateur :

Acteurs : ,

Année :

Genre :


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…