Salvo

Article écrit par

Film de mafia taiseux sous canicule sicilienne.

Salvo s’ouvre comme un thriller classique : sous le soleil de plomb de Palerme, un homme de main de la mafia locale, le Salvo du titre, abat deux tireurs rivaux au cours d’une embuscade. La scène est aussi brutale qu’efficace, plongée directe dans l’ambiance poisseuse qui caractérisera tout le film. Quelques minutes plus tard, la chaleur étouffante se manifeste à nouveau : dans une maison isolée, les stores sont baissés pour tenter de garder la canicule à distance. C’est là que Salvo tue l’homme qu’il avait pour mission d’exterminer, là aussi qu’il laisse la vie sauve à sa sœur Rita – elle est malvoyante, un changement de perspective nous l’apprend. La séquence, assez étirée dans le temps, est dirigée en une seule prise impressionnante, sur fond de pop italienne que Rita écoute en boucle chez elle. Ce sera à peu près la seule action du film, Salvo prenant soin de garder tout effet à distance, comme pour vider le genre du film mafieux de ses clichés.

C’est le premier long métrage de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza, adapté de leur court Rita (2009), bâti peu ou prou autour du même motif et du même personnage féminin. La fusillade passée, Salvo enlève Rita et la tient captive dans une usine désaffectée ; la détention constitue la plus grande part de la deuxième moitié du film. Peu d’enjeux scénaristiques, une narration réduite au strict minimum, qui serait conceptuelle si ensuite les cinéastes ne s’y remettaient tout à fait : Salvo est un film d’ambiance, ultra-sensoriel, où il s’agit plus de capter quelque chose de la tension (sexuelle) qui s’installe entre Rita et son ravisseur – de l’ordre du syndrome de Stockholm peut-être – que de véritablement maintenir le suspense autour du sort de la jeune femme. L’utilisation de sa cécité, pas tout à fait avérée (Rita perçoit des formes et des mouvements, sa vue reviendrait-elle progressivement ?) permet à la mise en scène de déployer plus avant son caractère d’enfermement, en s’en remettant aux sons plus qu’aux images. À plusieurs reprises, en cadrant sur le personnage de Rita, la photo, très soignée, empêche comme elle de voir ce qui se joue : l’effet de flottement et d’incertitude domine alors Salvo et lui confère son pouvoir de fascination.

 

Il y a pourtant qu’à trop vouloir se réduire à l’essentiel, le film donne finalement l’impression d’être soi-même un peu en-dehors de la trame, comme étranger aux développements, souvent imperceptibles, qui s’opèrent entre Salvo et Rita. On distingue le sentiment de fatalité qui en émane : Palerme n’échappera jamais au crime organisé, et l’hypothèse même d’une rencontre en ses murs tient du miracle. Pas besoin de mots alors, tout se joue dans un silence aussi pesant que la chaleur et la violence endogène, jusqu’à un final vaporeux où la caméra, elle aussi muette, observe une vue sur mer, témoin privilégié d’une ébauche d’histoire qui aura bien du mal à se faire. 

Titre original : Salvo

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Durée : 108 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

« L’étrange obsession » autopsie sans concessions et de manière incisive, comme au scalpel ,la vanité et le narcissisme à travers l’obsession sexuelle et la quête vaine de jouvence éternelle d’un homme vieillissant, impuissant à satisfaire sa jeune épouse. En adaptant librement l’écrivain licencieux Junichiro Tanizaki, Kon Ichikawa signe une nouvelle « écranisation » littéraire dans un cinémascope aux tons de pastel qui navigue ingénieusement entre comédie noire provocatrice, farce macabre et thriller psychologique hitchcockien. Analyse quasi freudienne d’un cas de dépendance morbide à la sensualité..

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

« Les derniers jours de Mussolini » adopte la forme d’un docudrame ou docufiction pour, semble-t-il, mieux appréhender un imbroglio et une conjonction de faits complexes à élucider au gré de thèses contradictoires encore âprement discutées par l’exégèse historique et les historiographes. Dans quelles circonstances Benito Mussolini a-t-il été capturé pour être ensuite exécuté sommairement avec sa maîtresse Clara Petacci avant que leurs dépouilles mortelles et celles de dignitaires fascistes ne soient exhibées à la vindicte populaire et mutilées en place publique ? Le film-enquête suit pas à pas la traque inexorable d’un tyran déchu, lâché par ses anciens affidés, refusant la reddition sans conditions et acculé à une fuite en avant pathétique autant que désespérée. Rembobinage…