Rio Sex Comedy

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Rio est à l’image de la nature qui jamais ne se laissera posséder par la culture.

Voici un film qu’on aimerait adorer dès le début. Il comporte d’ailleurs quelques scènes magnifiques, notamment le pas de danse de Charlotte Rampling lorsqu’elle entre dans la clinique ou quelques autres épisodes cocasses – quoique souvent un peu attendus – et sympathiques. De plus, l’image, dirigée par le directeur de la photographie d’Abdellatif Kechiche, est très belle, la ville de Rio de Janeiro, où Jonathan Nossiter vit maintenant depuis six ans, se révélant très photogénique. On aimerait y vivre, participer à ce tournage entre documentaire et fiction qui, on veut bien le croire, a sans doute fait plaisir à toute l’équipe, notamment ses excellents acteurs, qui sont aussi coproducteurs du film,  particulièrement courageux, n’hésitant pas à casser leur propre image. Mais les bonnes intentions suffisent-elles à faire un bon film ?

Dans cette histoire assez rocambolesque, qui pourrait faire penser à un film choral branché – mêlant de vrais acteurs à des figurants consentants ou non dans des décors naturels, comme par exemple les légendaires favelas, réputées dangereuses – on a par exemple bien du mal à définir la place de chacun. Bien sûr, cela est voulu par le fameux réalisateur de Signs & Wonders (2000), film dans lequel jouait déjà Charlotte Rampling, et surtout Mondovino (2004), qui fit couler beaucoup d’encre et de salive – à défaut de vin – lors de sa sortie. Il faut dire que Jonathan Nossiter, et c’est ce qui le rend très attachant, est un touche à tout de grand talent, artiste, cinéaste et surtout œnologue (il est sommelier qualifié pour de grands restaurants new-yorkais, parisiens et brésiliens).

L’idée de situer l’action de ce nouveau film dans la ville de Rio n’est sans doute pas un hasard. Ce qu’il y aime par dessus tout, c’est l’équilibre de tous dans cette ville qui semble se jeter dans une mer ouverte à tous, riches et pauvres, cernée aussi d’une forêt luxuriante qui pourrait vite devenir agressive. Rio est à l’image de la nature qui jamais ne se laissera posséder par la culture, tout comme ses habitants qui aiment jouer avec l’image qu’on veut se faire d’eux. Marié avec une Brésilienne, Nossiter est certainement mieux éclairé que nous sur ces ambiguïtés avec lesquelles il s’amuse en renversant complètement les rôles de ses divers personnages, comme pour décortiquer l’absurdité de notre monde moderne à la fois ridiculisé par le politiquement correct et condamné par le conformisme d’une société très hypocrite. C’est pourquoi il prend le contre-pied de tout et tente de prouver que personne n’est à sa place, que tous rêvent de rater leur vie : la chirurgienne esthétique Charlotte, escortée du vrai docteur Ivo Pitanguy, déclaré par la presse « Michel-Ange du bistouri », passe son temps à décourager les gens qui veulent se faire opérer ; le couple de bobos français préfère finalement faire des galipettes que continuer une enquête inutile et grotesque sur les employées de maison ; Bill Pullman est génial en ambassadeur américain qui perd la boule et finit dans une télénovelas, etc. Sans oublier les faux Indiens manipulés par un zozo profiteur, qui fait visiter la jungle des villes à des touristes américains ringards.

Tout ce méli-mélo peut faire rire parfois, surtout quand le réalisateur tente de dresser un portrait peu flatteur des ONG, des dirigeants et des politiciens d’une manière générale, en lorgnant (et en le citant nommément) vers Fellini sans en avoir la grâce. On constate qu’il est difficile de faire rire, encore une fois, sans tomber dans le graveleux. Ou alors, il aurait fallu qu’il se contente de faire un vrai faux film porno ou de série B, genres auxquels il emprunte le titre, afin de se libérer d’une tentation de réflexion politique. De plus, l’anticonformisme qu’il aimerait utiliser pour dépeindre un monde presque hellzapoppinesque, ne fait que rendre quelquefois le film un peu bancal, comme s’il héritait des défauts des qualités qu’il devrait au contraire mettre en avant. Ainsi, petit exemple : en ne voulant pas sombrer dans la mécanique il est vrai souvent artificielle du film choral, oscillant entre Danielle Thomson et Gonzalez Inarritu, Nossiter ne parvient qu’à détruire une forme qui aurait très bien pu le conduire à la perfection. Du coup, en refusant une certaine logique scénaristique indispensable, les rencontres entre certains personnages n’ont hélas pas trop de sens, sinon celui des hasards de la vie, qui ne fonctionnent pas vraiment au cinéma. Dommage, il tenait là un bon scénario, de beaux décors, une belle image et d’excellents comédiens. Peut-être manque-t-il seulement d’un peu de poésie et d’amour ?

Titre original : Rio Sex Comedy

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Durée : 124 mn


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