Rétrospective Juliette Binoche à la Cinémathèque de Paris

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C’est une actrice qui s’impose, explose et radicalise tous les envieux. La Cinémathèque de Paris lui ouvre ses portes du 19 novembre au 5 décembre 2008.

Deux souvenirs. Deux images.
Un soir, sur un plateau de tournage, de télévision. L’animateur attend. Il continue de patienter. Elle ne viendra pas. Ils ne viendront jamais. Ce critique de cinéma souhaitait parler de cinéma, mais cette maison ne voulait pas, pas avec lui. Bonnie and Clyde du cinéma français des années 80, le réalisateur Léos Carax et son égérie, Juliette Binoche, refusaient ostensiblement d’épouser les ingrats, préférant la liberté totale. Celle de narguer, de plaire, de haïr et d’envoyer valser la mort en mille temps.
Et puis cette dernière séance, cette ultime séquence qui se déroulait sur une aérogare. La Binoche courait à perdre haleine, sans se retourner, sans vaciller. Elle ressentait la joie de vivre et la tristesse d’aimer. C’est beau une femme qui court après son destin. On ne revit plus jamais cela…sauf dans les films de Kieslowski. On en reparlera.

Juliette Binoche est une déesse. N’ayons pas peur des mots, ils servent souvent à apaiser nos maux. Elle fut une belle incarnation du cinéma discret, celui qui magnifie le geste, recule devant les curieux et se disperse autour des envieux. Carax fut un passeur de génie. Deux films, deux bombes, deux tentatives de rattraper la douceur angélique de Juliette Binoche. Mauvais sang en 1986, qui dynamita les facs de ciné, qui réconcilia la nouvelle génération avec le cinéma muet, qui prouva une dernière fois que le cinéma pouvait être grand. Binoche, Lavant, Piccoli, des visages et des figures, des étoiles et des montagnes. Grand film impressionniste. Puis quelques années plus tard, Binoche rompt avec Carax, ce sera dans Les Amants du Pont-Neuf, œuvre malade, incomprise, vidée de tout, brillante… Parler de Binoche durant cette période, c’est se souvenir d’une caresse qui me faisait croire en l’amour, en la force des mots, de la littérature, de la peinture, des couleurs de la Toile. Binoche, elle, flirtait avec ceux qui risquaient, avec les Téchiné (Rendez-vous, 1985), Kaufman (L’Insoutenable légèreté de l’être, 1988) et Godard (Je vous salue Marie, 1985). Mais il lui fallait aller fureter ailleurs, voir si le cinéma pouvait aussi receler d’autres rêves. L’idée d’être constamment underground ne lui suffisait pas. Alors, il y eut une sacrée quête, celle de trouver la parfaite harmonie, l’engagement mutuel, le sacre.
 
En 1992, Binoche débute ses recherches qui l’emmèneront en haut des marches. De Fatale à L’Heure d’été, en passant par Le Patient anglais et Le Chocolat, Juliette "des Esprits" se baladera tendrement entre œuvres lyriques, productions pharaoniques et intimité conséquente. Cette actrice a besoin d’offrir un rêve, celui de savoir décomposer et composer tout ce qu’elle fantasme. Ce n’est ni une forme de trahison, ni un quelconque retournement d’une veste salie par l’usure, juste redécouvrir le monde, ne pas s’enfermer dans des codes stériles. On a le droit de passer sous silence quelques titres qui ne valent pas tripette, mais pour un Alice & Martin, je serais prêt à accepter 10 Patients anglais.
Dans Bleu, du regretté Kieslowski, Binoche réinvente l’amour. Œuvre complexe, lumineuse, religieuse où toute une thématique de la candeur vient appuyer une interprétation exquise, fragile et simple, Bleu est une belle déclaration d’amour d’un cinéaste pour un chrysanthème qui allait devenir un somptueux papillon.


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