Rétrospective Alain Resnais

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Quoi de mieux qu’une intégrale pour faire connaissance avec un cinéaste ou bien approfondir ce que l’on sait déjà de lui et pourquoi pas en découvrir de nouvelles facettes?

Le Centre Pompidou met à l’honneur (du 16 janvier au 3 mars 2008) l’un des plus grands réalisateurs du cinéma français qui n’est autre que Monsieur (oui oui, avec un m majuscule) Alain Resnais. Véritable enfant du cinéma, son père lui offre sa première caméra, avec laquelle il réalise ses premiers courts métrages, dès l’âge de 14 ans, dont une adaptation de Fantomas.

Cinéaste ayant plus d’un talent à son arc, Alain Resnais a traversé (et continue de le faire) plus d’un demi-siècle avec élégance. Un œil caché derrière sa caméra tandis que l’autre reste à l’affût du monde qui l’entoure, Resnais a su, avec habileté, dessiner l’Humain, allant du drame politique à la comédie musicale, tout en passant par le documentaire.

Confrontant et associant les Arts, il est devenu maître dans l’art de les mêler. Il étanche sa soif de découvertes et assouvit sa curiosité en puisant chez les autres. Attention, que l’on me comprenne bien, il ne vole pas, ne copie pas. Au contraire il emmêle avec douceur les savoirs et compétences de chacun, à l’image d’un peintre qui mélangerait différentes couleurs qui ne seraient pas forcément siennes. Resnais se plaît à s’inspirer. C’est pourquoi, préférant plutôt mettre en scène que de jouer l’auteur, il laisse cette place à d’autres.

Il introduit alors dans son cinéma divers arts tels que le théâtre, la littérature, la musique mais fait aussi appel à l’Histoire (Nuit et Brouillard est aujourd’hui encore une véritable référence en matière de documentaire mais aussi concernant ce sujet) et l’histoire, cette dernière renvoyant essentiellement à l’imaginaire. Il pioche le scénario de Hiroshima mon amour chez Marguerite Duras (film dans lequel la notion de mémoire éclot), s’attaque au film politique dans lequel la mémoire prend une place prépondérante (L’Année dernière à Marienbad, Muriel, La Guerre est finie ou encore Providence), s’essaie à la science-fiction (Je t’aime, je t’aime), se penche sur la bande-dessinée (I want to go home), revisite le théâtre de boulevard (Mélo) et s’attarde sur la comédie -en chansons ou pas- (Smoking-No Smoking, On connaît la chanson, Pas sur la bouche, Cœurs). Trop souvent considéré comme un cinéaste intellectuel, il faut apprendre à le découvrir pour apprécier au mieux toute son œuvre. Véritable touche à tout, Alain Resnais ne cesse de surprendre, passant avec légèreté d’un registre à un autre tout en réussissant à le faire sien.

Mais Alain Resnais ne se résume pas à ses films (déjà nombreux). Alain Resnais, c’est aussi l’Amour de ses acteurs, notamment le trio Sabine Azéma, Pierre Arditi et André Dussolier avec qui il travaillera, et travaille encore, très souvent. Pierre Arditi fait ses premiers pas dans le cinéma de Resnais à travers Mon Oncle d’Amérique tandis que Sabine Azéma et André Dussolier croiseront son chemin grâce à La Vie est un roman. Le quatuor ne se quitte plus ou presque, et s’il se sépare, ce n’est que pour mieux se retrouver par la suite. On admire alors ce trio d’acteurs dans Mélo (qui s’inspire de la pièce de Bernstein) portant à eux seuls le film. La performance de Sabine Azéma et Pierre Arditi est aussi des plus impressionnantes dans Smoking-No Smoking alors qu’ils interprètent à eux seuls une galerie de neuf personnages. Ces trois acteurs ont tourné de nombreuses fois avec Alain Resnais, très souvent ensemble d’ailleurs (Mélo, Smoking-No Smoking, On connaît la chanson, Cœurs, Pas sur la bouche…).

D’autres viennent peu à peu agrandir cette famille du cinéma. Lambert Wilson trouve très rapidement sa place (On connaît la chanson, Pas sur la bouche, Cœurs), tout comme le désormais célèbre duo de scénaristes Jaoui-Bacri qui écrira (et jouera) à plusieurs reprises pour le réalisateur (Smoking-No Smoking, On connaît la chanson).

Cette intégrale (chose assez rare) est donc une merveilleuse occasion de (re)découvrir toute l’œuvre d’un cinéaste pas comme les autres, qui a su tracer son chemin en parallèle de tout ceux qui l’entouraient.

Que nous réservez-vous encore, Monsieur Resnais ?


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