Punishment Park

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En 1970, le Mc Carran Act est prononcé. Cette loi liberticide autorise le gouvernement fédéral, sans en référer au congrès, à mettre en détention toute personne susceptible de mettre en péril la sécurité intérieure. C’est de cette loi que se réclame le tribunal de fortune réuni sous une toile de tente, qui va statuer sur […]

En 1970, le Mc Carran Act est prononcé. Cette loi liberticide autorise le gouvernement fédéral, sans en référer au congrès, à mettre en détention toute personne susceptible de mettre en péril la sécurité intérieure. C’est de cette loi que se réclame le tribunal de fortune réuni sous une toile de tente, qui va statuer sur l’avenir d’un groupe de jeunes dissidents : le Groupe 638. Les chefs d’accusation, bien que minimes, exposent les dissidents à des peines de prison allant de 7 à 21 ans de prison ferme, à moins d’opter pour un périple de quatre jours dans le punishment park.

Objectif : atteindre la bannière étoilée plantée au milieu de nulle part. Les moyens mis à leur disposition : aucun. Lâchés comme des bêtes, sans nourriture et sans eau, dans un désert aride où la chaleur inhumaine du jour cède la place à des nuits glaciales, les membres de ce Groupe doivent atteindre le drapeau sans se faire arrêter par la police lancée à ses trousses, à défaut de quoi ils se verront jetés en prison pour effectuer la peine requise à leur encontre. La chasse à l’homme commence.

Sorti en 1971, Punishment Park a assis le caractère hautement provocateur et contestataire du réalisateur Peter Watkins. Et pour cause. Époque où le spectre de la guerre du Vietnam et de la guerre froide étaient encore vivaces, Watkins pressentait déjà la puissance de la pensée unique et l´uniformisation liée à la mondialisation. La violence faite aux principes de la liberté de l´individu est pour lui quelque chose d´absolument impardonnable et mérite d´être dénoncée à tout prix. Quitte à devenir l´ennemi de tout un pan du monde cinématographique et télévisuel. Punishment Park ne fût programmé que quatre jours aux Etats-Unis lors de sa sortie ; son pamphlet anti-militariste et anti-guerre totalement paranoïaque La bombe fut interdit pendant plus de vingt ans, et son oeuvre sur Munch intitulée Edward Munch produit en 1973 n´est sorti qu´en 2005 grâce à l´appui d´un collectif. De là à penser que Watkins est la bête noire des studios…

Punishment Park donc. Film propagandiste pour la cause anarchiste, oeuvre d´anticipation fiévreuse capable de faire sortir de ses gonds le moindre spectateur à la morale libertaire,
Punishment Park est un film dangereux. Mais pour les bonnes causes.

Dangereux pour les états totalitaires, dangereux pour les grands de ce monde, dangereux pour les mass médias. Dangereux et malheureusement si concret pour une réalité se transposant sans aucune difficulté dans notre époque actuelle. La violence du discours de Punishment Park est d´autant plus prégnante qu´elle fait acte des dérivés totalitaires de grands pays comme la Russie ou les Etats-Unis. Il suffit de penser à des camps comme ceux de Guantanamo pour voir que les droits de l´homme sont bafoués quotidiennement.

Violence de l’ordre moral, violence de l’ordre juste, violence à l’égard des minorités. Les jeunes, les latinos, les gauchistes et les noirs sont les premiers sur les bancs des accusés de cette politique fiction, effroyable de bout en bout. Et si Watkins pousse son discours à l’extrême sans offrir une once de recul à son discours, ce n´est que pour mieux appuyer l´inéluctable mise en abyme du fascisme. Dans le film, les jeunes dissidents n’ont le choix qu’entre des peines de prison très lourdes et le traitement inhumain du punishment park. Cela revient à choisir entre la mort douce et la mort lente, entre Mao et Mussolini. Et il n´est pas question ici de terroristes ou de violeurs, mais seulement d’individus souhaitant s’élever contre un état totalitaire et policier. La dictature sait si bien se parer des voiles de la démocratie…

De par son traitement manipulateur, Punishment Park n´est rien d´autre qu´un faux docu révélant sa nature par les images outrancières qu´il nous offre ; ce film réalisé il y a plus de trente ans est le cri d´un homme visionnaire pour qui la liberté vaut tous les sacrifices. Un monument brut et sans concession du septième art.

Indispensable !

Titre original : Punishment Park

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Durée : 89 mn


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