Party Girl

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Portrait émouvant et malaisant d´une femme libre de soixante ans.

Angélique a soixante ans. Elle est lorraine, son accent pas hyper léger en témoigne. Son moment préféré, c’est la nuit, quand on peut boire, rire et danser, en compagnie des hommes qu’elle divertit dans un cabaret à la frontière de l’Allemagne. Parmi eux, Michel, un habitué qui aimerait bien la voir en dehors, pourquoi pas se réveiller à ses côtés tous les jours. Il la demande en mariage, elle accepte, ça change. Pendant qu’elle prépare la cérémonie et s’interroge sur sa nouvelle vie, sa famille l’accompagne, l’épaule et la conforte dans le bien-fondé de ce virage inattendu. Party Girl est le premier long métrage d’un trio de jeunes réalisateurs issus de la Fémis, Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis. Ils citent volontiers Pialat ou Cassavetes, leur film évoque souvent le Wanda (1970) de Barbara Loden. A Cannes, il ouvrait en mai dernier la sélection Un certain regard, où il fut instantanément porté aux nues – il remportera plus tard la Caméra d’Or.

Il y a qu’Angélique, grosses bagouzes aux doigts, maquillage outrancier et franc-parler réjouissant, est un vrai personnage de cinéma. Bigger than life, elle était de plusieurs soirées au dernier festival de Cannes, trimballant partout son amour de la fête et projetant dans le réel ce qu’on voyait d’elle à l’écran. Angélique Litzenburger est, dans la vie, la mère de Samuel Theis. Et Party Girl est, à bien des égards, sa “vraie” histoire. Faire d’Angélique “un personnage sans la trahir”, telle était la visée des cinéastes en réalisant le film, portrait de femme attachant qui n’évite malheureusement pas toujours la complaisance. On comprend bien la fascination qu’Angélique, mère pour le moins dispersée et haute en couleur, a pu exercer sur son fils et ses deux amies, et à quel point l’idée d’en tirer une fiction était tentante. Et Party Girl est, il faut le reconnaître, souvent émouvant, surtout lorsqu’il s’attache à Angélique et son groupe de copines/collègues entraîneuses et qu’il se borne à filmer ce qu’est la vie nocturne, les soirées de beuveries et les anecdotes qu’on échange au McDo au petit matin – quand le film travaille effectivement le réel pour donner l’impression qu’une non-professionnelle est la plus grande actrice de tous les temps.

 

C’est plus compliqué dès lors qu’interviennent les membres de la famille, et a fortiori quand débarque Samuel lui-même, caution intello de la fratrie, le seul à avoir troqué le bassin houillier pour Paris et le cinéma. Celui qu’on appelle pour vérifier les fautes d’ortographe d’une lettre, celui qui s’occupe de trouver une salle pour le mariage, fils prodigue dont on profite de la (très rare) présence. Le film tombe alors dans un mélange improbable entre épisode de Strip Tease et les pires heures de Maïween réalisatrice (Pardonnez-moi, 2006), tiraillé entre sa volonté d’hommage en forme de fiction et un côté voyeuriste indéfendable même si, c’est évident, absolument pas pensé comme tel. C’est encore pire quand arrive dans la boucle Cynthia, jeune soeur de 17 ans placée en famille d’accueil dès son plus jeune âge, avec qui la famille décide de renouer contact à l’occasion des noces. En découlent plusieurs séquences atrocement gênantes (les retrouvailles avec Angélique, sa mère biologique ; un discours prononcé au cours de la cérémonie), qui le sont d’autant plus qu’elles sont aussi fortes (impossible ou presque de ne pas pleurer) que bizaremment pas du tout destinées à sortir du cadre familial.

Party Girl se retrouve alors perdu entre la chronique familiale, le portrait de femme et le mélo tire-larmes, et le mélange n’incite plus qu’à la gêne, au sentiment extrêmement inconfortable d’assister à quelque chose qui ne nous regarde pas. Rarement la ligne entre cinéma-vérité et fiction n’a été aussi ténue, et le trio Amachoukeli-Burger-Theis la mord fréquemment, obsédés par l’idée de rester du côté du romanesque autant que de rendre justice à la famille Litzenburger. Il faut attendre la toute fin du film, quand les réalisateurs s’autorisent une vraie embardée lyrique, pour que Party Girl retrouve de sa beauté étrange. A nouveau, on ne voit plus qu’Angélique : on la retrouve, seule, dans toute sa beauté et ses contradictions, mère-monstre, bête de fête, épouse qu’on ne pourra jamais attacher, femme libre jusqu’au bout de la nuit et dont même le lever du jour ne saurait entraver le désir.

Titre original : Party Girl

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Durée : 95 mn


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