Pars vite et reviens tard

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Pars vite et reviens tard fait partie de ces films qui, au lieu de se réapproprier les codes d´un genre (ou mieux, de genres) dans le but de créer un univers personnel, se contentent d´utiliser les ingrédients d´une recette cousue de fil blanc, souvent calquée sur le modèle des > hollywoodiens. Résultat : un met […]

Pars vite et reviens tard fait partie de ces films qui, au lieu de se réapproprier les codes d´un genre (ou mieux, de genres) dans le but de créer un univers personnel, se contentent d´utiliser les ingrédients d´une recette cousue de fil blanc, souvent calquée sur le modèle des << blockbusters >> hollywoodiens. Résultat : un met sans saveur, aromatisé à coups d´évidents concepts commerciaux, inhalant une insupportable odeur d´aseptisation.

Mise en situation : jouer sur une peur moderne générant des images vues et revues aux journaux télévisés. Si cette psychose peut s´ancrer dans l´inconscient collectif, c´est encore mieux. La peste ? Canevas extraordinaire, puisqu´il fait référence aux épidémies à grande échelle (cf. << vache folle >> et << grippe aviaire >>, cf. ces images de milliers d´Asiatiques portant des masques de médecins, reprises dans le film). La << Mort noire >>, fléau qui fit tant de dégât en France, entré dans l´Histoire, la grande, mais la petite aussi, celle du cinéma, puisque d´autres films ont déjà abordé le sujet.

Pour les personnages, choisir un héros torturé. Ce sera José Garcia, commissaire à la Brigade criminelle aux méthodes flirtant avec le mystique, puisqu´il << sent >> les choses. Fox Mulder à la sauce française en quelque sorte. José, aux prises avec un tueur illuminé, doit résoudre une affaire bien compliquée, située << à la frontière du réel >>. Son intuition sera-t-elle suffisante ? En outre, sa petite amie vient de le plaquer. Aucun rapport ?! Effectivement non, aucun rapport (ou si peu).

Pour l´intrigue, épuiser les champs de l´irrationnel, puis revenir au rationnel pour ne pas sombrer totalement dans l´improbable (sur le modèle des Rivières pourpres, avec dans les rôles des contre-exemples Vidocq ou encore Belphégor). Donner un air mythique aux développements narratifs, avec en point d´orgue des références religieuses : dans le film, les croix en forme de << 4 >> font surtout penser à l´épisode de la dixième plaie d´Egypte où, pour protéger son peuple de la mort qui promet de frapper tous les nouveaux nés de chaque maison, Moïse demande aux Hébreux de badigeonner leur porte du sang d´un agneau. Et bien sûr, par la suite, mettre du rythme, encore et toujours, jusqu´à l´ultime rebondissement, jusqu´au dénouement. Ne pas oublier de faire quelques allers et retours entre intrigue principale et vie privée des protagonistes.

Pour que la mayonnaise prenne définitivement, fignoler le << packaging >>. Tout d´abord, enrober le tout d´une ambiance inquiétante. Un bon faiseur d´images, ici Régis Wargnier, est nécessaire. Pour le casting, s´offrir les services de pointures (Garcia, Serrault, Gillain, Belvaux), dont le scénario et les dialogues n´exploiteront pas la moitié des capacités. Une présence féminine, si possible assez court vêtue, est obligatoire. Une séquence d´autopsie ? Oui, bonne idée, car le spectateur doit avoir sa dose d´hémoglobine. Des animaux bien répugnants (les rats semblent tout indiqués) et une petite virée exotique (l´Afrique) sont toujours un plus, comme la cerise sur le gâteau.
Et ne pas oublier de se démarquer des << vrais >> << blockbusters >> hollywoodiens. C´est-à-dire se servir de l´alibi culturel. Un ou deux replacements historiques suffiront. Un homme de lettres et un archéologue comme personnages secondaires ? Excellent. Une phrase en latin ? Encore mieux.

Bref, en étant délicat, on dira que Pars vite et reviens tard est un produit parfaitement calibré, une adaptation de livre (roman homonyme de Fred Vargas) savamment orchestrée par les producteurs (il s´agit en fait d´un film de commande). Au pire, on avouera que l´un des meilleurs moyens d´asservir un sujet, c´est de l´effrayer, de le << neutraliser >> en faisant naître chez lui un besoin de sécurité qui ne sera assouvi qu´en faisant référence à des éléments appartenant à la culture collective.

Titre original : Pars vite et reviens tard

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Durée : 115 mn


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