Nuits magiques

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Hommage vibrant au cinéma italien, mais dont l’exubérance tourne trop rapidement à vide.

C’est une nuit d’été toute romaine, infusée de chaleur du soir et de vie crépitante comme un feu, à l’atmosphère joyeuse et électrique. Au bord du Tibre, les terrasses sont remplies, mais tous les regards fixés sur la télévision. En cette année 1990, l’Italie joue un match mondial à la défaite historique. Le match se clôt et les déceptions qui figent détournent les attentions d’une voiture qui bascule brutalement dans le fleuve depuis un pont tout près des cafés. Dans cette belle scène d’ouverture théâtrale, plan séquence rigoureusement découpé, Paolo Virzi (réalisateur de l’enlevé et excentrique Folles de joie, 2016), ramène déjà à l’esprit des souvenirs d’un âge d’or du cinéma italien, le goût nocturne et sensoriel de La Dolce vita (Federico Fellini, 1959) plane, ainsi qu’une effervescence toute fellinienne, à laquelle le réalisateur fera référence directement plus loin dans le film, à travers une mise en abyme rejouant une scène de La Vocce della luna (1990), avec Roberto Benigni. La convocation de cette dernière œuvre de Federico Fellini souligne la toile de nostalgie que tisse Paolo Virzi avec Nuits magiques, à travers le tableau trépidant d’un Cinecitttà à son crépuscule, ses acteurs ont vieilli et ce sont trois jeunes scénaristes primés Antonio (Mauro Lamantia), le sicilien, Luciano le dragueur (Giovanni Toscano), et Eugenia, romaine d’une famille bourgeoise (Irine Vetere) qui en sont les dépositaires et les témoins parfois malhabiles, replongeant dans cette période virevoltante, au contact d’un producteur renommé Saponardo (Giancarlo Giannini), qui pourrait rappeler un Dino de Laurentiis.

 

Cette effervescence qui ne quittera pas le long métrage a le défaut, par moments, de fatiguer le spectateur, l’emportant dans un tourbillon de montagnes russes qui finissent par tourner à vide, le lassant face à une exubérance haletante et infatigable qui émane du moindre personnage et de la moindre scène, et tend à homogénéiser le film, le faisant suivre une seule et même trajectoire, trop rapide pour rendre visible son éclat et saisir sa matière étoilée. Là où le météore que formaient les deux femmes dans Folles de joie, à l’image de la décapotable rouge sang dans laquelle elles fuyaient en trombe, développait toute sa puissance de liberté. La lumière orangée qui colore l’image tout au long du film et ravit les pupilles de son filtre solaire devient la météo invariable de la frénésie de Nuits magiques. Cet hommage au cinéma italien est traversé par le biais d’une (pseudo) enquête policière dans laquelle sont embarqués bien malgré eux les trois jeunes personnages à la verve profuse, et qui sert moins le polar que l’occasion de provoquer des péripéties qui rebondissent comme des ricochets sur la petite industrie du cinéma qu’elle représente, de scénario en scénario. Nuits magiques se donne comme une lettre d’amour et de célébration nostalgique des riches heures du cinéma italien de la seconde moitié du XXème siècle, un film qui tourne trop sur lui-même mais dégage une vitalité qui ne semble pas prête de s’éteindre.

Titre original : Notti magiche

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Durée : 125 mn


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