Nouvelle vague RKO

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Entre redécouverte de grands classiques et exhumation de raretés, la collection RKO des éditions Montparnasse continue à enchanter le cinéphile avec cette nouvelle fournée.

Le Pigeon d’argile (The clay pigeon) de Richard Fleischer 1949


Traumatisé par la guerre et le camp dans lequel il était prisonnier au Japon, le marin Jim Fletcher a sombré dans le coma. À son réveil, il est accusé de meurtre. Afin de prouver son innocence, il s’évade et part avec ses anciens compagnons à la recherche du vrai coupable.

Tout comme avec son Enigme du Chicago Express réalisé plus tard, également au sein de la RKO (et disponible aux Editions Montparnasse), Fleischer signe ici un modèle de thriller, palpitant et tendu du début à la fin. Du réveil à l’hôpital de son héros amnésique à la conclusion, la tension ne se relâchera pas. Mise en scène alerte et inventive de Fleischer, aussi bien dans la traduction du trouble de Fletcher et sa surprise devant l’hostilité qu’on lui témoigne (avant qu’il ne découvre qu’il est un traître), l’utilisation – plutôt originale pour l’époque – des flash-backs (surtout le dernier, vraiment inventif) et bien sûr les scènes d’actions rondement menées (articulièrement lors d’une impressionnante sortie de route en voiture et une palpitante course poursuite à pied dans Chinatown). Bill Williams, sorte de Mark Wahlberg avant l’heure (en plus de lui ressembler, il s’exprime comme lui… très perturbant), apporte une présence solide et fragile à la fois, bien secondé par la charmante Barbara Hale (future assistante de Perry Mason dans la série avec Raymond Burr), tandis qu’en opposition les méchants sont retors à souhait, notamment l’ancien geôlier japonais campé par Richard Loo. Seul petit défaut : le scénario sans doute un peu prévisible pour qui est rompu à ce genre de suspense hitchcockien, notamment tout ce qui tourne autour du meilleur ami joué par Richard Quine (futur grand réalisateur également), dont on a tôt fait de deviner les intentions louches. La conclusion dans le train, remarquablement amenée, est sans doute aussi un peu trop brève (on pense forcément à celle, similaire et plus réussie, de L’Ombre d’un doute de Hichtcock). Le brio de Fleischer, son art de la concision et de la caractérisation des personnages dans l’action fait dans tous les cas plaisir à voir, le film durant à peine une heure. À méditer, à l’heure où le moindre blockbuster peine à descendre sous les 2h30…

L’inconnu du 3eme étage  (Stranger on the third floor) de Boris Ingster 1940


Le reporter Michael Ward est le témoin clé du procès qui s’ouvre contre Joe Briggs, accusé de meurtre. Jane, la fiancée de Michael, croit en l’innocence de Joe Briggs et parvient à le faire douter sur son rôle dans ce procès. Tourmenté par des rêves dans lesquels il se voit accusé de meurtre, il commence à culpabiliser…

Souvent qualifié de premier authentique film noir réalisé à Hollywood, un film très inégal et un peu poussif mais pas dénué de qualités. On retrouve effectivement plusieurs éléments qui deviendront des figures imposées du genre, tels la voix off (ici très maladroitement utilisée et donc envahissante) traduisant l’état mental du héros et surtout l’influence de la psychanalyse et l’expressionnisme allemand, qui culmine lors d’une mémorable séquence de rêve, meilleur moment du film. Le héros fait un cauchemar où il se voit accusé du meurtre de son voisin qu’il détestait et où le piège se referme de manière tout aussi injuste que pour l’homme contre qui il a témoigné en début de film, les situations rêvées renvoyant de manière plus outrée et terrifiante à celle bien réelle que l’on a vu précédemment pour le condamné, avec juge indifférent pressé d’en finir et jurés distraits dont l’opinion est déjà toute faite. Tout cela est malheureusement très lourdement amené et l’intrigue vraiment poussive avec ses gros raccourcis faciles et sa conclusion bâclée (on ne se félicitera pas de la courte durée cette fois ci). Ce qui sauve le film, c’est l’interprétation, notamment celle d’un Peter Lorre pitoyable et terrifiant à la fois, comme lors du face à face final bien inquiétant avec la fiancée du héros. Sa présence renforce l’effet de transition avec l’expressionnisme allemand (de nouveau un rôle de psychopathe pour lui) mais annonce aussi le futur du genre, ses rôles à venir, notamment dans Le Faucon Maltais de Huston. De même pour l’excellent Elisha Cook, ici en « accusé à tort », qu’on retrouvera bien plus tard dans L’Ultime Razzia. Pas vraiment mémorable, mais une curiosité à voir pour son aspect relativement fondateur, même si manque clairement l’aspect urbain requis pour en faire un vrai film noir.

La grande farandole (The Story of Vernon and Irene Castle)de HC Potter – 1939

Très jolie comédie musicale, la dernière du duo mythique Fred Astaire/Ginger Rogers (qui est en fait le biopic d’un autre tandem légendaire : le couple de danseurs Vernon et Irene Castle, qui révolutionna l’industrie du spectacle dans les années 10 et ouvrit la voie aux années folles). Comme souvent, l’alchimie entre Astaire et Rogers fait merveille, notamment dans toutes les scènes de séduction, débordant de charme et établissant leurs rapports : Gingers Rogers, novice transformée en danseuse hors-pair par Astaire et ce dernier prenant confiance grâce à l’amour qu’elle lui porte et décidant de prendre enfin sa carrière en main. Toutes les étapes difficiles de l’ascension vers la gloire sont bien vues, entre les auditions ratées, les contrats douteux et les difficultés financières, le tout s’avérant bien réel malgré l’aspect léger. Une fois la gloire atteinte, c’est un vrai tourbillon de danse et de chorégraphies emballantes qui s’enchaîne dans un montage dynamique montrant l’influence des Castles sur les modes esthétiques de l’époque. HC Potter (futur réalisateur d’un survolté Hellzapoppin) livre un film élégant et alerte, avec une direction artistique plaisante, fantaisiste (le Paris de pacotille) et recherchée à la fois.
La dernière partie montrant le couple séparé par la première guerre mondiale est moins prenante, le film basculant peu à peu dans un autre genre, qui lui sied moins et l’aspect dramatique paraissant un peu forcé. Cependant, deux scènes magnifiques atténuent largement ces défauts : Fred Astaire, revenant en uniforme sur les lieux du premier succès et rejoignant sur scène Ginger Rogers sur scène ; la conclusion bouleversante, où cette dernière pleure à chaudes larmes son partenaire disparu tragiquement. Parmi les films du duo, on avait déjà pu découvrir le sautillant Sur les ailes de la danse dans la collection RKO et ce beau film l’égale sans problème.


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