Le réalisateur Gareth Edwards sait comment lutter contre la crise. Il fait un film avec une équipe limitée de cinq personnes, tourne en pleine jungle au Costa-Rica quitte à tenter les moustiques, utilise l’improvisation comme dialogue et engage des comédiens dénichés sur place, dont ce sera le premier et unique travail d’interprétation. Un film de monstres ficelé à douze mille dollars, soit une demi-heure de tournage de Tom Cruise, suffisant à créer un buzz international et à susciter la curiosité des amateurs de films de genre.
L’histoire se situe dans un futur très proche. Une sonde extra-terrestre s’écrase dans la jungle méxicaine. Six ans plus tard, le Méxique est devenu une zone interdite et dangereuse peuplée de monstres géants très méchants. Dans cette ambiance chaotique, un photographe a pour mission d’escorter la fille de son patron et de l’amener saine et sauve (si possible) aux Etats-Unis en contournant la zone monstrueuse. Par un concours de circonstances, ils se retrouveront à devoir traverser et pénétrer cette zone dans l’espoir de ne pas se faire dévorer.
Evidemment, le photographe et la jolie fille à papa rebelle tomberont amoureux, le film s’orientant sur cette histoire d’amour, oubliant les monstres promis. Jouer sur la frustration peut être un parti pris intéressant si un minimum de tension et de rythme nourrissent l’histoire. Dans
Monsters, on suit le « jungle trip » de ces personnages sans une once de suspense, attendant impatiemment qu’il se passe quelque chose. Un ennui dommageable s’installe jusqu’à l’espoir extrême qu’une bête féroce entre dans l’action et dévore l’un des deux héros. L’improvisation est pertinente lorsque les acteurs ont le temps de chercher, d’innover ou de se tromper. L’urgence du film ne laissant pas la place aux dialogues de se créer, l’envie du réalisateur de coller au réel par des dialogues frais et inventés est mal exécutée. Les répliques sont ridiculement plates voire enfantines, notamment lors des scènes d’approche et de séduction qui décrédibilisent l’ensemble.
Gareth Edwards n’est donc pas un auteur mais ressemble plus à un technicien remarquable. L’image, l’utilisation des couleurs et la scène finale avec l’apparition magique des monstres (enfin !) sont bien maitrisées. Le réalisateur est un petit génie des effets spéciaux qui aurait dû ajouter, à son équipe réduite, un scénariste pour offrir à son film une meilleure cohérence et une histoire plus agréable à suivre.
Le réalisateur, surdoué de Photoshop, connait ses classiques et le fait savoir maladroitement. Les monstres tentaculaires ressemblent étrangement à ceux que l’on trouve dans
Cloverfield et
The Host. De plus, on ressent dans
Monsters une forte inspiration de
Jurassic Park. Un endroit fermé infesté de monstres incontrôlables que l’on doit traverser entre les arbres et les clôtures, une vue intérieure des héros dans une voiture observant celle d’en face se faire écraser par un monstre, tout cela ressemble fortement au film de Steven Spielberg, un mélange douteux d’hommage et de copie. Pourtant, il insère dans son film quelques réflexions métaphoriques sur les Etats-Unis. L’immense mur inefficace et inutile séparant la zone infestée mexicaine à la frontière américaine représente un pays centré et bloqué sur lui-même, tentation de protection qui mène finalement à la destruction. Un point de vue sur l’impérialisme of USA inabouti, tout comme le scenario et les personnages d’un film qui aurait nécessité quelques finitions pour une poignée de dollars supplémentaires.
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