Meltem

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Un retour aux sources touchant

Elena (Daphné Patakia), jeune française d’origine grecque, retourne dans la maison de sa mère sur l’île de Lesbos. Nassim (Rabah Naït Ouffela) et Sekou (Lamine Cissokho), deux de ses amis, l’accompagnent. Leurs vacances prennent une tournure inattendue le jour où ils rencontrent Elyas, jeune Syrien réfugié à la recherche de sa mère.

Si Basile Doganis fait d’emblée le choix de rester au plus près de ses personnages, c’est malheureusement au détriment de Lesbos et de son atmosphère. Quelques scènes sur une plage ou lors d’une fête folklorique ne suffisent pas à retranscrire l’âme des îles grecques. On se sent étouffés par un cadre que l’on aimerait voir s’ouvrir davantage, respirer. Un tel choix de mise en scène va dans le sens de la thématique des migrants, prisonniers de l’île, mais ne permet pas de donner une réelle entité au décor, qui apparaît dès lors comme une simple scène, un prétexte au récit.

Les performances de Rabah Naït Ouffela et Lamine Cissokho, très bons dans leurs rôles respectifs, se voient entachées par le personnage d’Elena. Son comportement enfantin et ses airs offusqués flirtent souvent avec le ridicule, rendant jaloux Nassim à qui la jeune fille n’accorde pas le moindre élan affectif. On eût pu tolérer sa naïveté quant à la condition des migrants si elle-même ne faisait pas tant preuve d’égoïsme, mais il est assurément bien difficile d’éprouver pour elle la moindre compassion. Cette antipathie qu’elle dégage et suscite, combinée au manque d’attention accordée à l’espace scénique constitue une entrave à l’immersion du spectateur.

Le film de Basile Doganis est un vaste mélange de thématiques et de genres. Abordant des sujets délicats tels que le deuil ou l’exil, le réalisateur affirme que « pour restituer la complexité des situations, il préfère l’hybridité des registres à la pureté des genres ». Pari risqué que « Meltem » ne réussit pas. Le film oscille entre drame et comédie sans parvenir à aller assez loin dans l’un comme dans l’autre. À l’image des migrants apatrides, le film se situe constamment entre deux eaux. Lors d’une scène nocturne, le récit s’imprègne même d’une once de fantastique que l’on regrette de voir s’estomper aussi vite qu’elle est apparue.

Le point fort de « Meltem » est ainsi certainement sa bande-originale, signée Kyriakos  Kalaitzidis (docteur en musicologie Byzantine), épaulé de Nicolas Gigou pour la musique électronique.  À défaut de voyager au travers des images, libre à vous de fermer les yeux et de vous laisser porter par le oud (instrument à cordes traditionnel grec).

Titre original : Meltem

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Durée : 87 mn


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