Dans sa dimension traumatique, Mamá est assez réussi. Une bonne partie du film ne raconte rien d’autre que la puissance de l’imaginaire et de sa projection : la mystérieuse et dangereuse Mamá comme fantasme produit par les enfants pour se protéger durant leur abandon, une force qui les poursuit alors lorsqu’elles retrouvent un semblant d’équilibre. Ce n’est ni plus ni moins qu’un thème classique du conte : accepter de grandir et laisser l’ami imaginaire derrière soi. Lorsqu’il se situe à hauteur d’enfant, Mamá est assez touchant. Son symbolisme est beau, mais sa mise en œuvre horrifique est franchement ratée. D’abord parce que les séquences choc sont plus épouvantail qu’épouvante. Ces limites ont au moins le mérite d’offrir au film une séquence remarquable où, pour préserver le mystère et ne pas trop montrer Mamá, l’unique lumière provient du flash intermittent d’un appareil photo. Effet remarquable qui rappelle les installations de l’artiste américain Gary Hill (1) et aurait gagné à être radicalisé par un montage plus serré pour jouer à plein régime de la persistance rétinienne des images. Deuxième écueil : cette histoire tarabiscotée de fantômes peine à cadrer avec l’enjeu familial du film. Mamá hésite malheureusement trop entre le récit d’apprentissage qui lui tend les bras et le thriller vaguement horrifique qu’il a du mal à mener. Les deux se développent donc en parallèle, mais leur réunion finale laisse un goût d’inachevé. Ce qui est d’autant plus dommage que, si les apparitions surnaturelles du corps du film sont ratées, la stylisation extrême de la fin (évoquant éventuellement le magnifique Twixt de Coppola, 2012), s’éloignant du réalisme, est au contraire bien plus poétique. Mamá aurait peut-être dû suivre le conseil du médecin du film : accepter le réel et ne plus croire en ses fantasmes.
(1) Un exemple avec l’installation Reflex Chamber (1996).