Premier et énorme écueil du film : son incapacité à sortir du théâtre. Là où la version qu’en donnait Alf Sjöberg en 1951 procédait d’une véritable adaptation, profitant des moyens du cinéma pour relire l’Histoire, Liv Ullmann colle au plus près possible des conventions théâtrales strictement respectées par la pièce. Ce qui aurait pu donner un intéressant huis clos se change en une incapacité à habiter et transcender les décors qui ne peuvent dès lors apparaître que comme décors, comme artifices cadrant les entrées et sorties des personnages. Caméra vissée aux personnages, il n’y a alors aucun moyen de mettre en images le texte. Si Sjöberg usait (et abusait peut-être) du flashback et des projections imaginaires, ici tout ne peut qu’être dit, narré par les personnages depuis le plan. Parti pris qui pourrait être subtil si encore l’interprétation prenait le relais. Malheureusement Jessica Chastain, livrant une Julie entre inconséquence et inconscience, flirte à cœur joie avec l’hystérie, tandis que le John de Colin Farrell est plus mesuré, mais tout aussi ridicule. Seule Samantha Morton sauve la mise avec une Kristin étoffée par rapport à la pièce et véritablement remarquable.
D’une longueur effroyable, Mademoiselle Julie enchaîne les jolis plans vides. Plans-tableaux, surcadrages s’enchaînent en ne racontant pas grand-chose ou pire en soulignant les évidences. Liv Ullmann saborde alors ses rares bonnes idées en en rajoutant une couche, à l’image du dernier plan superflu du film qui suit pourtant un plan remarquable et offrait une fin honorable. Si sa vision du valet, plus sensible et moins monolithique qu’à l’accoutumée, a du bon, manifestement elle ne sait trop qu’en faire et donne l’impression que le film navigue à vue. Pire, la réalisatrice effectue des coupes nécessaires dans le texte de Strindberg, mais en de très mauvais endroits. Exit l’histoire de la mère (qui aurait prétendument vieilli selon la réalisatrice) ou l’évocation du premier fiancé de Julie. Des coupes importantes pour livrer au final un film effroyablement long. Au final, Mademoiselle Julie passe à côté de ce que la réalisatrice voulait en raconter, tout autant de ce qui était contenu dans la pièce, pour n’offrir qu’une adaptation interminable et inconsistante.
À lire : la chronique de Mademoiselle Julie d’Alf Sjöberg.