Loup

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Invitant à vibrer auprès des loups et des Evènes, au fil des redoux et des hivers sibériens, Loup est un voyage magnifique, lové dans la pureté.

Loin d’une image d’Epinal, et à des années-lumière de la mode tout écolo vantant un « retour à la nature » superficiel et ostentatoire, le dernier film de Nicolas Vanier est une bouffée d’authenticité. Le réalisateur du Dernier Trappeur (2004) livre dans Loup un portrait plein d’admiration – mélange de fascination et de timidité fleurant l’enfance – d’un peuple, de son lien à la nature, de cette nature, et comme son prince, du loup. Ainsi, les Evènes, ces 2500 âmes vivant en autarcie dans les grands espaces de la Sibérie orientale, les déconnectés du monde moderne qui n’ont rien « au sens que nous accordons au verbe "avoir" mais qui ont tout car ils sont simplement heureux » (Nicolas Vanier), témoignent d’un mode de vie d’une beauté à couper le souffle. Que leurs contemporains se le disent.

L’histoire de Loup est aussi simple que cruelle. Sergueï, un Evène de 16 ans, est désigné par le chef du clan, son père Nicolaï, comme gardien de la Harde. Or, être en charge de ce troupeau de milliers de rennes est autant un honneur qu’une lourde responsabilité pour ce peuple, nomade et éleveur de rennes depuis la nuit des temps. Parti veiller au bon déroulement de leur transhumance dans les montagnes d’été, Sergueï va tomber sous le charme de louveteaux frêles comme la rosée. Incapable de tuer ces petits carnivores, ennemis naturels de la harde, le jeune Evène provoque malgré lui, et avec la complicité de son aimée Nastazia, un déséquilibre sans précédent dans l’ordre des choses…

 

Animé du plus grand respect pour les Evènes, dont il décida de faire les protagonistes d’une fiction après avoir vécu un an auprès d’eux, Nicolas Vanier leur rend hommage avec brio. Les images du film sont magnifiques, enchaînement de tableaux plus criants de splendeur les uns que les autres ; et, comme pour en souligner la pureté brute, ces plans sont le support d’un récit efficace, suspens sibérien vécu passionnément par des comédiens convaincants, les héros Sergueï (Nicolas Brioudes) et Nastazia (Pom Klementieff) n’ayant de cesse d’être justes en plus d’être charmants. Le bât blesse toutefois lorsqu’une voix off intervient en prélude et en épilogue du film, brouillant la frontière – ici nécessaire à l’intensité – entre fiction et documentaire.

Reste que rien n’empêche au final de se laisser séduire par Loup, et surtout ses loups, dont la crainte mêlée de tendresse qu’ils inspirent en font ce qu’ils sont : les héros sans âge de nos contes les plus réels. Sans compter les sourires béats qu’ils décrochent lorsque les louveteaux duveteux sortent de leur tanière, chancelants et couinants, petites boules de fourrure à la vulnérabilité crucifiante.

Ainsi, ode pour les contemplatifs ou autres marginaux en quête d’essentiel, Loup n’est autre que l’histoire qu’il livre, celle de l’Homme, habitant de la nature, et de leur fragile harmonie, pleine de grâce.

Titre original : Loup

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Durée : 102 mn


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