L’Histoire de l’Amour

Article écrit par

L´amour n´est pas plus fort qu´un mauvais film…

Alma Mereminski est « la femme la plus aimée au monde » d’après Léo, l’un des trois jeunes hommes en lice pour devenir son mari. Comme elle a décidé qu’elle épouserait celui qui écrit le mieux, Leo fait d’Alma le personnage principal du livre qu’il compte lui dédier, L’Histoire de l’Amour. La guerre éclate et Alma fuit la Pologne pour les États-Unis où des dizaines d’années plus tard, une traductrice est chargée de livrer une version anglaise de cet ouvrage que feu son mari et elle avaient pris comme emblème de leur romance. Leur fille, Alma Singer, ne partage pas l’enthousiasme parental envers le sentiment amoureux qu’elle méprise, quand son petit frère pense être un "lamed vovnik", un Juste qui sauvera le monde grâce à sa compassion. Tous ces personnages vont se croiser, se rater, se rater en se croisant et vice et versa dans ce pitch lelouchien adapté du roman éponyme de Nicole Krauss.

 

Le syndrome La Vie est belle

À la fin du petit discours prononcé à l’occasion d’une avant-première, Radu Mihaileanu a prévenu le public : rien de plus normal que de ne pas comprendre les vingt premières minutes du film, lui-même n’étant pas bien sûr d’avoir vraiment tout saisi. De deux choses l’une : ou bien le réalisateur prend les gens pour des idiots qui n’auraient jamais vu un film, ou bien il se vante d’avoir accouché d’une œuvre si géniale qu’elle le dépasse. Qu’il soit rassuré, on comprend très bien ce qu’il veut faire et ce dès le plan-séquence programmatique qui inaugure ce calvaire de 2h14. Alors que se font entendre les premiers mots d’un conte, la caméra survole un shtetl dont les maisons se transforment peu à peu en ruines grises avant de déboucher au-dessus d’une clairière verdoyante pour atterrir au pied d’un grand arbre qui cache une jeune fille en socquettes et robe fleurie, accompagnée de son amoureux. Survoler vite fait une Histoire reléguée à une simple toile de fond, prétexte à raconter une histoire d’amour qui colle aux dents, transformer une tragédie en clownerie pour démontrer que l’amour est plus fort que la mort, le réalisateur nous avait déjà fait le coup avec Train de vie (1998) et son twist douteux. Cette fois, il essaye de donner de l’ampleur à son propos en torturant la continuité chronologique, qui se contorsionne en d’incessants allers-retours géographiques et temporels pour un résultat qui tient plus de l’affèterie que d’un véritable procédé de narration. Il ne faut pas avoir confiance en son histoire pour la maltraiter de la sorte, et contrairement à ce qu’annonçait Mihaileanu, on ne se casse pas la tête pour reconstituer ce puzzle car pour cela, il faudrait s’intéresser un minimum aux personnages et à ce qui leur arrive.

 

Des êtres de papier

Aucun personnage n’existe. Jamais. Évoluent seulement ici des stéréotypes, et encore une fois, comment s’en étonner venant de celui qui a réalisé Le Concert (2009), signe avant-coureur de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? (Philippe de Chauveron, 2014). Alma, Misha, Leo et les autres sont d’abord définis par leur appartenance religieuse ou nationale, qui conditionne leurs actions et leur comportement. Écrit de l’extérieur, leur supposée originalité est si volontariste qu’elle agace par son manque de sincérité ; et dans ce domaine, c’est Bird, le petit frère, qui remporte la palme. Les filmer la plupart du temps en gros plan ne leur apporte pas la consistance que leur a au préalable déniée le scénario. Ce n’est pas tant "L’Histoire de l’amour" que "L’histoire de tout ce qu’on pensait ne plus jamais voir au cinéma", à base d’acteurs anglo-saxons qui parlent avec un accent polonais ou de gens qui crient au ralenti sous la pluie au son des violons. Le tout avec une mise au point aléatoire, car l’amour doit aussi être plus fort que la technique. Plus les minutes passent, plus on se demande si Mihaileanu est un mauvais metteur en scène ou s’il n’en a juste aucune notion, ce qui expliquerait certaines séquences dérangeantes. Des SS mettent le feu au shtetl et sans transition, sur la même musique, des pompiers new-yorkais éteignent un feu accidentel. Ce que dit cette séquence est stupide, mais sait-il seulement qu’il l’a dit ? Guimauve improbable, L’Histoire de l’Amour est mal écrit, mal interprété et mal filmé. Le nom de la boîte de production de Radu Mihaileanu résume à lui seul ce film : Oï oï oï.

Titre original : The History of Love

Réalisateur :

Acteurs : , , , ,

Année :

Genre :

Durée : 134 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi