Chemin vers le pardon
Pour son premier long-métrage documentaire, et après trois courts-métrages, Maxime Jean-Baptiste revient sur un fait divers qui s’est passé en Guyane en 2012 et qui, semble-t-il, a marqué les esprits pour longtemps. Il fait du neveu de la personne assassinée le personnage central du film. En effet, Melrick a 13 ans, passe ses vacances d’été chez sa grand-mère Nicole à Cayenne, en Guyane et apprend à jouer du tambour. Mais sa présence fait soudain resurgir le spectre de son oncle, ancien tambouyé tué dans des conditions tragiques. Confronté au deuil qui hante toute la communauté, Melrick cherche sa propre voie vers le pardon. Ce cheminement, le jeune Melrick va le mener tout seul avec l’aide entre autres de sa grand-mère, la mère de la victime qui, dans une belle séquence, lui apprend par des mots simples et doux ce que veut dire le pardon.
Écouter les voix
Le réalisateur parle en ces termes de son film : « Kouté vwa traite d’une histoire qui a marqué́ la Guyane : le meurtre de Lucas Diomar en 2012. Cet événement a donné lieu à de nombreux reportages et documentaires. Il a aussi suscité des marches blanches et même la création d’associations, en particulier dans le quartier Mont-Lucas, où se déroule une grande partie du film. » Mais en choisissant le jeune Melrick comme épicentre de son film, Maxime Jean-Baptiste part aussi à la recherche de Lucas assassiné puisqu’il était aussi son petit cousin et c’est pourquoi ce film possède une telle valeur évocatrice et tendre. Ce n’est pas un énième documentaire sur la violence des jeunes et des bandes des quartiers, que ce soit en métropole ou dans les DOM, c’est aussi une quête sur une histoire dont on ne comprendra jamais les méandres, se contentant de constater seulement le grand malheur que cet acte violent a fait naître dans une famille qui doit tenter de se reconstruire et de pardonner.
Une véritable tragédie
En fait, ce film raconte une tragédie et dépasse le cadre pur et simple du documentaire qui était le projet initial mais qui s’est modifié au moment où le réalisateur a introduit le personnage du neveu, Melrick. Il le constate lui-même en parlant de la manière dont le scénario s’est mis en place peu à peu pour faire de ce film un exemple de mise en scène tragique. « Progressivement, nous avons identifié un potentiel créatif pour une fiction, au sens où il y avait un jeu. Dans le film, par exemple, il y a une scène où Nicole est filmée dans une voiture. Elle m’avait déjà raconté qu’elle avait rencontré l’un des tueurs de Lucas et qu’elle avait failli le tuer. Elle me l’avait confié, mais au cours d’un de nos entretiens. En réécrivant le film, notamment avec Audrey – Audrey Jean-Baptiste, sa sœur et co-autrice -, nous nous sommes rendu compte que cette histoire portait en elle une véritable dimension tragique. » Au final, un très beau film dont le titre en créole guyanais veut dire « Écouter les voix » : il lui fallait donc d’excellents ingénieurs du son et c’est chose faite avec le travail de Kylian Dadi et Tanguy Lallier. Mais aussi la photo de Arthur Lauters et le travail d’équipe des comédiens non professionnels au premier rang desquels bien sûr le jeune Melrick Diomar, mais aussi Nicole Diomar et Yannick Cébret qui apportent au film leur présence, leur émotion encore vive et leur charisme de douceur et de pardon.