In the Loop

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Le britannique Armando Iannucci signe une satire politique drôle mais poussive.

À une période où le risque de guerre avec le Moyen Orient est élevé, la bourde radiodiffusée du Ministre britannique du Développement Mondial met le feu aux poudres. Entre quelques considérations sur la diarrhée dans les pays pauvres, Simon Foster (Tom Hollander) lâche à la radio que la guerre lui semble imprévisible. Relayée par les médias, cette petite phrase fait l’effet d’une bombe, reprise et déformée par les pro et les anti-guerre, depuis le cabinet du Ministre jusqu’à l’ONU. Non préparé à tant d’égards, Simon Foster devient le centre de toutes les attentions. Harcelé par l’implacable Directeur de la communication du Premier ministre, courtisé par la Sous-secrétaire d’État américaine chargée de la diplomatie, qui cherche à empêcher l’escalade du conflit, poursuivi par les médias, Simon Foster, perpétuel indécis, perd pied et multiplie les déclarations à double sens. Entre Londres et Washington, In the Loop montre, sur le mode satirique, la réalité des échanges politiques à partir du dérapage verbal d’un ministre faire-valoir.

Le film a été écrit et dirigé par les auteurs de séries et émissions satiriques de la télévision britannique, notamment The Thick of It, dont le personnage central était déjà le tyrannique Directeur de la communication du Premier ministre, Malcolm Tucker (incarné par un Peter Capaldi au physique de vautour), qui ne peut envisager de terminer une phrase sans insulter l’un de ses collaborateurs. En ne citant officiellement personne, (le poste de Ministre du Développement Mondial est d’ailleurs une invention géniale d’ironie), le film s’inspire fortement de certains politiciens anglais et américains, à l’instar de Malcolm Tucker, caricature du Directeur de communication de Tony Blair. Le film, comme la série avant lui, a trouvé, on s’en doute, un écho défavorable auprès des politiciens britanniques. En effet, l’attaque est frontale et chaque personnage incarne un stéréotype du milieu politique : le Dircom frôlant l’hystérie, le Ministre quasi incompétent, le Général couard (incarné par James Gandolfi des Sopranos), le jeune premier arriviste… La confrontation de chaque personnage déclenche à coup sûr la « réplique qui tue ».

In the Loop est en effet très drôle, mais son défaut majeur reste l’écriture. Le film serait presque trop écrit. Derrière chaque réplique se fait sentir la présence de l’équipe de scénaristes et l’ensemble finit par ressembler davantage à une collection de pépites qu’à une véritable satire politique. Pour contrebalancer, la caméra recherche constamment des effets de direct (caméra à l’épaule, cadre légèrement tremblant), mais ne parvient à alléger le poids du scénario. Au final, l’écriture très ciselée, qui convient parfaitement à une série, rend le film plutôt lourd, doublé d’une désagréable impression d’assister à un long épisode des Guignols de l’info. Les ruptures créées pour opposer agitation internationale et gestion des problèmes de circonscriptions ne suffisent pas à relancer la machine et ce, malgré la présence de l’hilarant Steve Coogan sous les traits d’un administré sacrément dérangé, excédé par la menace d’éffrondrement du mur de la permanence du Ministre sur la serre maternelle. Le film finit par devenir confus et l’attention se relâche de plus en plus. Et c’est avec une réelle indifférence qu’on assiste aux derniers rebondissements d’une affaire qui aurait pu être passionnante.

Comédie politique, satire de la guerre, In the Loop se concentre trop sur le scénario au détriment de l’image. Armando Iannucci rêve d’un Docteur Folamour contemporain, mais ne parvient pas à s’absoudre du modèle télévisuel. Pourtant terriblement drôle, le film subit les défauts de ses qualités et devient assez vite indigeste. Reste néanmoins un réel plaisir face à des répliques mémorables et des acteurs (Peter Capaldi en tête) brillants de monstruosité.

Titre original : In the Loop

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Durée : 106 mn


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