How to have sex

Article écrit par

Une très moderne éducation sentimentale…

Honoré à Cannes

Ce premier long-métrage, lauréat du Prix Un certain regard à Cannes cette année, s’inscrit déjà dans une assez longue série de films traitant de sexualité débridée au sein d’un groupe d’étudiants en vacances dans des lieux festifs. On pourrait ainsi le comparer à Shortbus de John Cameron Mitchell (2006), ou encore Spring Breakers de Harmony Korine (2013), ou même, en moins trash, Virgin Suicides de Sofia Coppola (1999). C’est dire que, pour son premier long-métrage, la jeune directrice de la photographie, diplômée depuis peu de la NFTS en 2019, frappe un grand coup magistral et talentueux pour dénoncer cette sexualité à base de mercantilisme, imposée de plus en plus aux jeunes filles. Question de mode, d’influence des réseaux sociaux, et résultat de l’évolution des mœurs, de plus en plus de jeunes, surtout bien sûr des jeunes filles, souffrent de viols ou de violences, exercés presque impunément en raison de la sacro-sainte libération des moeurs. Ce genre de films met très mal à l’aise le spectateur, surtout que How to have sex ne pose aucune jugement moral et laisse le public face à ses propres limites, notamment dans des scènes crues à la sexualité à peine simulée. 

Le sexe à la plage

On suit parfois comme des voyeurs impuissants le parcours de jeunes filles se rendant pour des vacances chaudes dans une île « paradisiaque » où la sexualité semble à la portée de toutes les bourses et de tous les physiques. A peine sorties de l’enfance, ces jeunes presque diplômées du lycée, arrivent dans ces cercles du plaisir avec une sorte d’excitation surjouée, une dose de séduction basée sur maquillages et vêtements dans le style de lolitas hypersexuées et vulgaires, sans se rendre compte qu’il s’agit presque d’un piège, forcées nolens volens à entrer dans le moule du plaisir sexuel obligatoire. C’est ce qu’il arrive à la jeune Tara, un soir qu’elle a bu plus que de raison. La suite du film raconte ses tourments, ses rancœurs et la manière dont elle tente de se sortir de cette violence subie, une sorte de résilience ne manqueront pas d’observer certains critiques. Sans forcer le trait, et sans prêchi-prêcha, Molly Manning Walker fait réfléchir le spectateur. Elle raconte d’ailleurs, dans le dossier de presse du film, que certaines projections ont été suivies de débats mais que les acteurs masculins ont préféré ne pas y pas y participer sans doute parce qu’ils se projetaient dans l’attitude machiste des personnages du film… 

Un constat social amer

Pourtant les jeunes acteurs du film sont tous particulièrement bien choisis et doués, à commencer par la révélation du film, Mia McKenna-Bruce dans le rôle de Tara, repérée dans la série Vampire Academy, mais aussi Shaun Thomas, acteur du film Le géant égoïste (2013) et Lara Peake de la série Mood. On le voit, ces jeunes talents arrivent aussi par le biais des séries et des nouveaux médias. Bien que directrice de la photo, la réalisatrice du film a toutefois confié l’image ce coup-ci à Nicolas Cannicioni, la musique à James Jacob et le casting à Isabella Odoffin pour un résultat marquant, pour donner corps à son souvenir d’adolescence, entre terreur et fascination, comme elle le raconte elle-même dans le dossier de presse du film : « Lors d’un mariage à Ibiza, j’ai retrouvé pas mal d’amis de jeunesse et nous nous sommes souvenus de nos premières vacances sur cette île et notamment d’une histoire de fellation en public sur une scène. On s’en souvenait tous et nous nous sommes rendus compte de l’impact que cela avait eu sur les ados que nous étions. Je n’avais pas pris conscience que ces événements avaient eu une telle incidence sur ma vie sexuelle, mais aussi sur celle de toutes les filles à qui j’ai parlé pendant ce mariage. »

Titre original : How to have sex

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Pays :

Durée : 88 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…