Festival « Quand les Russes chantent »

Article écrit par

Le 3ème Festival du Film Russe de Paris a lieu du 6 au 14 mars dans quatre salles parisiennes : Le Balzac, le Max Linder, Le Christine 21 et Le Grand Action.

Nous avions déjà assisté au festival du cinéma où les russes riaient (Festival Quand les russes rient) puis, quand ils aimaient ( Festival Quand les russes aiment ) et voilà cette année qu’ils chantent.

Le programme "Panorama" est composé de quinze films où le sujet et la forme des oeuvres s’articulent principalement autour de la musique et des chansons.

A part deux films fait en Russie post-soviétique (Le Frère d’Alexeï Balabanov, 1997 et Les Zazous de Valérie Todorovski, 2008) les films projetés sont majoritairement considérés comme cultes en Russie et constituent probablement le meilleur héritage que les russes sont en mesure d’apprécier après la chute de l’Union. Chaque russe est capable de citer les dialogues venant de La Nuit de carnaval (1956) et La Ballade de Hussard (1962) d’Eldar Ryazanov ; mais aussi de La Verticale (1967) de Stanislav Govoroukhine, avec un des meilleurs comédiens de l’époque de la stagnation sous Brezhnev – Vladimir Vysotski – qui était en même temps chanteur et de ses propres chansons ; une mise en abîme de l’histoire du cinéma toujours sous forme de comédie musicale – L’ Homme du boulevard des Capucines (1987) d’Alla Sourikova où on rencontre un autre grand comédien – celui d’Andreï Mironov, à qui le festival rend hommage en projetant également un film d’Alexeï Guerman Mon ami Ivan Lapchine (1984) et Un Bras de diamant (1968) réalisés par Léonide Gaidai. Un autre film de ce réalisateur Ivan Vasilievitch, Change de profession (1973), d’après la pièce de Mikhaïl Boulgakov, est également au programme.
 


Ivan Vasilievitch change de profession, Leonide Gaidai

Dans les années vingt la musique de jazz, apportée de Paris par un poète, musicien et chorégraphe Valentin Parnakh en URSS, devient très populaire dans le pays fraîchement fondé. Le 10 octobre 1922, à Moscou, le Premier Orchestre Excentrique de la République Fédérale Socialiste de la Russie – le jazz-band de Valentin Parnakh – a donné son premier concert. Depuis, le jazz est entendu partout, principalement sous forme des foxtrot et de charleston qu’on pouvait également danser. Même si la musique avait des racines principalement occidentales, le gouvernement stalinien ne l’interdisait guère, contrairement aux années de l’après-guerre (le sujet des Zazous cités en début d’article). Mais ce n’est que dans les années 30, grâce aux efforts d’un chanteur et comédien Léonid Outessov, l’un des plus grands admirateurs de jazz, que cette musique arrive enfin sur les écrans et un nouveau genre dans l’histoire du cinéma soviétique est né. Il s’agit de la première comédie musicale, créée à l’instar des hollywoodiennes – Joyeux garçons (1934) réalisé par Grigori Alexandrov, où également apparaît la star du cinéma soviétique – Lioubov Orlova qui y joue son premier rôle principal. Le film suivant d’ Alexandrov, Le Cirque (1936), également avec Orlova, sera projeté dans le cadre du festival, aussi que Le Printemps (1947).

En 1927, Alexandrov aide Sergueï Eisenstein à écrire et à réaliser son premier long métrage, La Grève, en réalité, ce fut sa première expérience du tournage. La Grève sera projeté au festival du cinéma russe sous forme d’un ciné-concert, accompagné par deux musiciens – Vadim Sher (piano, accodréon) et Alvaro Bello (guitare, percussions). Ainsi, le film fait parti d’un autre programme, de cette année: "Cinéma et la Révolution", qui est dédié au centième anniversaire de la révolution en Russie.

Dans ce programme nous trouvons surtout des bijoux du cinéma soviétique mais aussi un film de 2008, L’Amiral d’Andreï Kravtchouk. Contrairement au reste du programme, où le cinéma soviétique héroïse les révolutionnaires ainsi que les "rouges" de la guerre civile combattant pour le bolchevisme et ridiculisait ceux qui s’opposaient à l’installation du nouveau régime, L’Amiral, étant réalisé dans la Russie post-soviétique, montre le point de vue des "blancs" en prenant pour personnage principal l’Amiral Koltchak : l’amiral de la flotte russe durant la première guerre mondiale, un des chefs des armées blanches et gouverneur de Sibérie. Dans le programme du festival il y a trois avant-premières: La Dame de Pique (1917) de Pavel Lounguine, le film d’ouverture du festival cette année ; Zoologie (2017) d’un jeune réalisateur Ivan Tverdovski, qui a cueillit tous les prix des festivals prestigieux du cinéma d’auteur (Karlovy Vary, Toronto, Chicago); et Paradis (2017) d’Andreï Kontchalovski : traitant le thème de Holocauste il a reçu le Lion d’Argent au dernier Mostra de Venise et a été nominé pour le dernier Golden Globe.

Le programme le plus intéressant et novateur s’avère être le programme des courts métrages : composé de 7 films de jeunes réalisateurs faisant leurs premiers pas dans le grand monde du cinéma. La projection aura lieu dimanche le 12 mars à 11h00 au cinéma de Max Linder, précédé d’un petit-déjeuner offert.


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’Aventure de Madame Muir

L’Aventure de Madame Muir

Merveilleusement servi par des interprètes de premier plan (Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders) sur une musique inoubliable de Bernard Herrmann, L’Aventure de Madame Muir reste un chef d’œuvre inégalé du Septième art, un film d’une intrigante beauté, et une méditation profondément poétique sur le rêve et la réalité, et sur l’inexorable passage du temps.

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…