Festival international du film de femmes à Créteil

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Rencontre avec les réalisateurs d’Ata, à l’occasion du 30e Festival international du film de femmes à Créteil

30e festival international de films de femmes

Le 14 mars 2008, à la Maison des Arts de Créteil, va s’ouvrir le 30e festival international de films de femmes. Une cinquantaine de films en compétition, des leçons de cinéma (par Mira Nair, Helma Sanders-Brahms, Agnès Varda, Catherine Breillat, Léa Pool, Xiaolu Guo etc…) et des rétrospectives donneront vie à ces dix jours prometteurs. Samedi 15 mars, Josiane Balasko sera à l’honneur, alors que les 30 ans du festival résonneront avec les 30 printemps du Cinéma du Réel.

Le festival de films de femmes met un point d’honneur à faire découvrir de nouvelles réalisatrices, notamment en diffusant une trentaine de courts-métrages internationaux. L’occasion de rencontrer une réalisatrice et son co-réalisateur, dont le film Ata, présenté au festival de Clermont- Ferrand, quelques semaines auparavant, est en compétition à Créteil.

Depuis leur première collaboration, il y a quelques années, Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti semblent avoir trouvé les lignes directrices de leur cinéma. Admiratifs du travail d’Abbas Kiarostami (avec qui ils ont collaboré sur un court-métrage en 2006), ils frôlent sans cesse la frontière du documentaire et de la fiction en dirigeant des acteurs non professionnels. Si le cinéma iranien fait partie des influences des jeunes réalisateurs, ils citent volontiers Carlos Reygadas (Japon), Bruno Dumont (L’Humanité) ou encore Eric Khoo (Be with me), comme cinéastes et films marquants, notamment pour leur dernier court-métrage Ata.

Ata met en scène la rencontre, en France, d’ Ahatjan, un ouvrier sans- papier ouïgour, et d’une jeune Turque venue retrouver le jeune homme qu’elle aime. Alors que Cagla, la réalisatrice, arrivait en France, optimiste à l’idée de trouver un travail alimentaire de traductrice, la désillusion prend vite le dessus. Elle noie alors son chagrin dans un café, quand un homme de type asiatique lui parle dans une langue qu’elle comprend. Cette rencontre troublante et inattendue lui inspire une histoire, la sienne, qu’elle développe avec Guillaume. Pour eux, il est clair que cet homme est le personnage et qu’il doit s’imposer en tant que comédien. Une longue amitié, des discussions, l’observation des gestes d’ Ahatjan permettent à ce dernier de naître en tant que personnage. Ils tournent avec lui un « essai », un Super 8 dont le titre est évocateur : Et si vous rencontriez votre ancêtre à Paris en 2004. Aussi, pour incarner, Cagla, les deux réalisateurs choisissent jeune femme blonde aux yeux bleus, loin de la représentation occidentale.

Ata est alors la rencontre de ces deux personnages, issus de pays, de culture et de milieux différents. Pourtant, ils vont se comprendre, par la langue et par un passé ancestral commun. Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti s’attachent à ne pas mettre en avant l’un des deux personnages, considérant que leur complémentarité ne peut pas être déséquilibrée. De même, si Ata est une fiction dans sa construction narrative, le travail de l’image s’approche du documentaire ; l’action est cadrée et répétée, mais les comédiens semblent évoluer en liberté, presque en improvisation.

Notons en dernier lieu que les réalisateurs ont trouvé, dans la ville de Clermont-Ferrand, une véritable cité cinématographique, notamment dans les lignes de la vieille ville ou encore dans la proximité entre la ville, la campagne et la montagne. De même, le chantier trouvé sur place est particulièrement bien exploité, la composition du cadre s’appuie sur les entrées de lumière naturelle, par les fissures, permettant des contrastes à la fois spontanés et maîtrisés, à l’image du cinéma naissant des deux metteurs en scène.

Un court-métrage réussi et annonciateur du long, que Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti préparent au Pakistan. Il s’intitulera Tu Mera Dil, Tu Meri Jaan (Tu es mon coeur, tu es mon âme).


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