Première occurrence fortuite, le Haneke partage le même titre que le Seidl. Deuxième rapprochement possible, tous deux sont l’œuvre d’un Autrichien. On s’arrêtera là, puisque les films n’ont rien à voir, tant mieux, et que dans Amour, il est pour le coup vraiment question d’amour, alors que Seidl manie bien le sarcasme étymologique. Michael Haneke a ici écrit spécialement pour Jean-Louis Trintignant, et on se demande pourquoi le cinéma le fait si peu tourner depuis quelques années, tant son jeu est subtil et puissant. Face à lui, Emmanuelle Riva, qui émeut aux larmes dès qu’elle paraît à l’écran : derrière ses traits d’aujourd’hui, on se prend à chercher ceux qu’elle avait à l’époque d’Hiroshima mon amour. Trintignant et Riva sont Georges et Anne, octogénaires encore amoureux, anciens professeurs de piano qui aiment Schubert et Chopin. Un matin, Anne a une attaque : c’est le début du déclin, et de la mise à l’épreuve de leur relation.
Pour la première fois ou presque, un film du cinéaste autrichien est doux, lumineux dans sa noirceur même. S’il ausculte bien les coups durs qu’inflige la maladie à un couple (l’aigrissement, la méchanceté gratuite pour se soulager), Amour est incroyablement tendre et bienveillant avec ses personnages. Georges est là pour Anne, inlassablement. Il fatigue parfois, peut s’emporter plus facilement qu’auparavant, mais il reste. Il demande juste à ses proches de ne pas en parler. « Il n’y a rien d’intéressant à dire, rien qui ne puisse nous aider ». Et préfère aborder la musique, échanger sur le dernier concert vu au théâtre des Champs-Elysées, la manière de jouer une bagatelle. Entre Georges et Anne, qui bientôt ne peut plus parler, il reste les souvenirs, les menues anecdotes qu’on ne s’est encore jamais racontées. Idée sublime que celle d’avancer qu’après soixante ans de relation, l’autre possède toujours son jardin secret, que le dialogue, jamais, ne s’épuise. Les mots s’économisent, pas l’affection et l’intérêt portés à l’autre. L’humour, non plus, n’est jamais loin du film de Haneke : là aussi, c’est une première. En témoigne cette scène, renversante, où Georges raconte ironiquement et par le menu l’enterrement épouvantable d’un ami auquel il vient d’assister, les speechs terribles et gênants. Anne lui rétorque qu’il faut bien y aller, et "qu’est-ce que tu dirais, toi, si personne ne venait à ton enterrement?" "Rien, sans doute".
Sinon, on n’a toujours pas réussi à voir le Hong Sang-Soo : trop de badges roses et bleus devant nous, trop de festivaliers qui voulaient voir Huppert dans un autre pays. Du coup, on va aller faire la queue pour le Kiarostami très très en avance, et essayer d’en parler demain. Après le Resnais qui, encore une fois, va nous aider à convaincre notre réveil de nous lever aux aurores.
19h55 – je rajoute un mot, même si je préfère parler des films, et uniquement des films. Pour la troisième fois de la journée, il a été impossible de rentrer pour la projection du Kiarostami – apparemment, le week-end, c’est vraiment compliqué. Une heure et quart d’attente pour rien, à nouveau, et sous une pluie battante. Il faut vraiment aimer le cinéma.
Festival de Cannes 2012 – Jour 1 : Trouver son rythme
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