Festival britannique de Dinard : Quand les Anglais débarquent en Bretagne

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Pour cette 28ème édition, le Festival du Film Britannique de Dinard – le seul festival européen entièrement consacré au cinéma d´Outre Manche – a réuni la crème de la crème des réalisateurs british, avec une vivacité et une originalité étonnantes. Retour sur cette édition 2017, où j´ai eu la chance d´être membre du jury courts métrages.

Un cinéma de la résistance après le Brexit

Alors qu’on le disait presque mort l’année dernière à cause du Brexit, le cinéma britannique a vécu cette année une renaissance, aussi bien dans les thèmes abordés par les films en Compétition, à savoir les migrants, la jeunesse en rédemption, le parcours singulier d’hommes et de femmes dans une société en pleine mutation que dans ses formes. Sans doute est-ce dû à la programmation toujours plus fine et intéressante du festival, grâce à son directeur artistique Hussam Hindi, qui confirme l’idée, « On a été sollicités beaucoup plus que les années passées, et j’ai l’impression que les réalisateurs ont envie de montrer leur film, peut-être de résister en quelque sorte, le cinéma est devenu le lieu de résistance. Les films sont là, ils sont européens ».

Il faut savoir que le cinéma britannique est le troisième cinéma présent et distribué dans nos salles en France, après le cinéma américain et français. À Dinard, les Anglais se sont sentis comme des poissons dans l’eau, heureux de montrer leurs films, de s’exprimer hors de leurs frontières et d’arpenter un terrain européen dont ils se sentent proches. Ils osent des choses, des scènes d’amour et de sentiments, auxquels on a parfois du mal à les associer – visant plutôt à trouver dans ce cinéma une forme d’humour à l’anglaise qui nous touche tout autant. C’est d’ailleurs le film Seule la terre de Francis Lee qui a obtenu le plus prestigieux prix, le Hitchcock d’Or. Un amour entre deux hommes, dans une ferme, un premier film touchant, sensible et terriblement bien réalisé.
 

Le jury de cette 28ème édition du Festival de Dinard : Nicole Garcia, Clémence Poésy, Vincent Elbaz, Annette Dutertre, Roger Allam, Michael Ryan et Philippe Besson. 
 
Nicole Garcia, Vincent Elbaz, Clémence Poésy : tous fans du cinéma britannique

Le jury présidé cette année par la réalisatrice Nicole Garcia, était majoritairement Français, avec l’acteur Vincent Elbaz, la monteuse Annette Dutertre, l’écrivain et scénariste Philippe Besson, l’actrice Clémence Poésy, le passage samedi soir de l’actrice Mélanie Thierry. Deux britanniques étaient eux aussi dans le jury, l’acteur Roger Allam et le producteur Michael Ryan. Ils ont tous été convaincus par des films qui osent, et pour avoir été dans les coulisses, ils ont eu énormément de mal à délibérer pour voter et remettre leur grand prix.

Dans le jury courts métrages, avec deux excellents acteurs britanniques, Phil Davis et Michael Smiley, et la productrice française mais vivant à Londres depuis des années, Manon Ardisson, nous avons été bluffés par une sélection exceptionnelle de courts métrages. 11 films à voir, à départager, passant de l’animation à la fiction, de l’histoire troublante d’une jeune fille qui découvre l’homosexualité d’un de ses proches – We Love Moses, notre gagnant ! – à une scène ardue de sexe entre seniors dans une voiture pour pimenter leur vie – The Driving Seat, le gagnant auprès du public. Il nous a été terriblement compliqué de départager ces bons films, racontant tous une histoire forte, avec conviction. Parmi nos favoris, que l’on espère voir sur des écrans prochainement, le court métrage The Party d’Andrea Harkin raconte l’histoire tragique d’un groupe de copains à Belfast, en 1972. Entre bières et sang, ce film à la fois poignant et émouvant nous a poussé à lui attribuer une mention spéciale.

We Love Moses, de Dionne Edwards

Un cinéma du réel mais avec une touche d’humour, toujours

Ce qu’il faut retenir de ce Festival du film Britannique à Dinard, c’est que plus que jamais, le cinéma est un terrain propice à la réaction, à l’expression d’une société anglaise qui bouge, qui ne se laisse pas impressionner, ni par l’esprit américain – aujourd’hui, nombreux sont les tournages américains sur le sol britannique en raison de leur faible coût, ni par des politiques culturelles cassantes pour les jeunes réalisateurs, ni par une situation européenne de l’éloignement. Les Anglais sont là, bel et bien là, dans nos salles françaises mais aussi dans nos envies de cinéma, avec leur histoire, leur humour tranchant et cocasse, leur plaisir à utiliser les failles d’un système ou d’une personne pour en faire une situation drôle.

C’est le comédien Vincent Elbaz qui nous a soufflé l’idée très britannique du « witz », auquel nous avions jamais été initiés. « Le witz, c’est lorsqu’un personnage fait de l’humour en disant des vérités profondes. Genre ‘ne me parle pas de l’amour puisqu’en fait, à chaque fois on se fait baiser. C’est par exemple une fille qui dénigre le premier rendez-vous qu’elle est train de faire alors qu’elle a des sentiments pour le mec, elle parle de l’amour en général et elle tient des propos cyniques ; Ça s’appelle du witz. Par l’humour, on dit des vérités profondes sur soi ». Elle est peut-être là, la grande différence entre les Britanniques et nous, Français. Par l’humour et surtout par la fiction, les britanniques arrivent avec brio à s’emparer du réel, de nos sociétés, de nos différences sociales. Alors que nous, nous allons dans ce cas-là plutôt vers le documentaire. Une chose est sûre, restons complémentaires, car c’est bien cela, la grande diversité du cinéma !
 

Le jury courts métrages (dont je faisais partie !) : Phil Davis, Michael Smiley, Manon Ardisson et Stéphanie Chermont. 
 
 
Vivement l’édition 2018 du Festival de Dinard…


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