EntreVues-Belfort – Chapitre 26 : chassé-croisé

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Débute ce samedi 26 novembre et jusqu’au dimanche 4 décembre la 26e édition du festival EntreVues-Belfort, faisant comme de coutume du croisement de tous les cinémas le fil de sa programmation.

Cette année encore, le festival EntreVues-Belfort sera le lieu d’un réjouissant croisement entre cinématographies émergentes et œuvres d’auteurs de grande notoriété. Apanage de tout festival, direz-vous. Certes, mais force est de constater, à la découverte du programme de cette déjà 26e édition (26 novembre-4 décembre), que cette notion de croisement s’impose plus que jamais ici comme le fil à peine secret de la programmation. Ainsi, à la Compétition internationale, réunissant à partir de cette année les œuvres documentaires ou de fiction de jeunes cinéastes, ne peut par exemple que répondre la présentation en avant-première, en ouverture de festival, de Sport de filles, le très attendu nouveau film de Patricia Mazuy, dont le mémorable Basse-Normandie (2004) tirait sa saveur singulière de la consanguinité « naturelle » et assumée des deux régimes de représentation.

Pour mémoire

Mieux encore, à l’hommage rendu cette année à un grand cinéaste et théoricien français récemment disparu (Eric Rohmer), par le biais de la présentation par ses acteurs fétiches du film qu’ils ont chacun préféré tourner avec lui, pourrait répondre de manière inattendue la découverte d’œuvres de jeunes cinéastes ayant su tirer des images du Printemps arabe. Films enregistrant la pulsation d’un passage, un changement d’ère (d’air aussi), dont la mise en parallèle avec ceux de quelques aînés français (Le Fond de l’air est rouge de Chris Marker, 1977), britannique (The Fall de Peter Witehead, 1969), allemand (Torre Bella de Thomas Harlan, 1975) ou d’Amérique latine (La Bataille du Chili de Patricio Guzman, 1975-1979) s’annonce forcément pertinente. Surtout, parce que le cinéma du Maghreb a déjà une longue histoire, sensiblement liée à celle de France, « Maghreb : en finir avec le colonialisme », dans le cadre de la programmation « Cinéma et histoire », à travers entre autres films l’assez connu Chronique des années de braise, Palme d’or 1975 de l’Algérien Mohammed Lakhdar Hamina et les plus rares Noces de sable d’André Zwobada (1948) ou Octobre à Paris de Jacques Panijel (1962), invitera à rendre à cette question du colonialisme l’actualité qu’elle mérite.

Histoires d’hommes

Colonisés, les garçons cinéphiles ? Attirés plus ou moins consciemment par les films montrant de leur sexe une image héroïque, incorruptible, valorisante ? C’est l’amusante question qui semble au départ du programme « Des hommes for ever », invitant dix cinéastes et journalistes exclusivement masculins à présenter leur western favori. Occasion de vérifier si le genre originel du cinéma populaire américain demeure selon le cliché une affaire d’hommes. Interrogation que d’autres films du programme – de tous genres cette fois –, proposant chacun à leur manière une certaine représentation du masculin (du Kid de Chaplin à A History Of Violence de Cronenberg, de Pierrot le fou de JLG à Beau travail de Claire Denis) sauront probablement satisfaire.

Révisions

Une femme néanmoins, dont nous avons parlé plus haut, aura le privilège de présenter aussi son western favori : Patricia Mazuy. Outre ce clin d’œil cinéphile, la plus rare des grandes figures du « jeune cinéma français des années 90 » sera avant tout à l’honneur cette année par la grâce d’une rétrospective, qui permettra de reparcourir attentivement l’intégralité d’une œuvre ayant vu le jour il y a déjà plus de trente ans (Dead Cats, son premier court métrage, date de 1980), soit cinq ans après celle d’un autre grand cinéaste français mis à l’honneur : Jean-Claude Brisseau. C’est peu dire que la réputation sulfureuse que lui ont laissés ses déboires judiciaires de la dernière décennie a progressivement travaillé à éclipser une réalité : celle d’un profond amour du cinéma, de la mise en scène transparaissant de chaque plan de ses films, même les moins aboutis. L’émotion à voir ou revoir un Brisseau correspond à peu près à celle de la rencontre avec un cinéma conscient de son propre « danger », faisant comme par accident de la fragilité de son entreprise et de ses images son essence même.

Projections

De loin en loin, de dessine alors une forme de boucle, dont la Compétition internationale pointerait idéalement les deux extrémités. Ses quatre programmateurs (Catherine Bizern, déléguée générale et directrice artistique du festival, Pierre Menahem, consultant chez MPM Films et Amélie Dubois et Jérôme Momcilovic, journalistes et critiques cinéma aux Inrocks et à Chronicart) nous proposent ainsi cette année de prendre le pouls du jeune cinéma contemporain à travers quatorze longs métrages (parmi lesquels les deuxième et troisième films des déjà fameux Yorgos LanthimosCanine, 2009 – et Laurent AchardPlus qu’hier, moins que demain, 1998 ; Le Dernier des fous, 2006 – ou encore des premiers films de fiction ou documentaire de déjà bonne réputation – Louise Wimmer de Cyril Mennegun, qui sort en salle en janvier ou Le Sommeil d’or de Davy Chou) et quinze courts (parmi lesquels on distinguera ceux d’une comédienne découverte chez Claire DenisSnow Canon de Mati Diop –, de l’auteure d’un premier long que nous aimons beaucoup – Le Marin masqué de Sophie Letourneur – et d’un critique de cinéma d’importance – Et ils gravirent la montagne de Jean-Sebastien Chauvin). Comme chaque année, une rencontre après projection entre public et réalisateurs sera animée par l’un des programmateurs.

Bonus

A l’occasion de l’exposition que lui consacre l’Espace Gantner, l’œuvre cinématographique expérimentale de Malcom Le Grice, centrée sur la problématique du dispositif de projection des films, plus précisément « l’impression optique » fera l’objet d’une programmation propre, en elle-même prometteuse de très stimulants jeux de croisements entre les multiples origines et formats de ce que l’on peut encore nommer « films ».

Le détail de la programmation sur le site du Festival.

Remerciement à Audrey Grimaud pour sa grande disponibilité.


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