Dan et Aaron

Article écrit par

Entre humanisme et politique, Igaal Niddam signe un film sensible ouvert à tous public.

Aaron (Baruch Brener) retrouve son frère Dan (Micha Selectar) à Jérusalem après quinze ans d’absence et de silence. Mais à la surprise et à l’émotion des retrouvailles  s’ajoute la barrière des différences. Aaron devenu avocat s’est donné pour mission de défendre les étudiants de la torah qui demandent à être exemptés de tout service militaire. Dan lui, berger et laïc, mène une vie tranquille auprès de sa femme et de ses enfants.

 Cinéaste engagé dans la cause israélienne, Igaal Niddam (le Troisième cri, Nous sommes tous des juifs arabes en Israël) traite, selon lui, du problème majeur de l‘Israël actuel ; la confrontation entre laïcs et ultra orthodoxes qui, a terme, pourrait mener à une guerre civile : « L’Israël est une jeune nation, avec des valeurs démocratiques et laïques défendant la liberté de culte et d’expression. La montée des fanatismes religieux est très préoccupante. Elle génère des injustices inacceptables pour des jeunes laïques qui doivent faire face à des obligations et des responsabilités civiles et militaires, alors que les élèves de plus en plus nombreux des Yeshivas sont exemptés à vie de toutes responsabilités citoyennes ».

 Afin de souligner cette idée, Igaal Niddam utilise la mésentente des deux frères comme métaphore de l’incompréhension et de l’intolérance qui divise le pays. Dan le grand frère reproche à Aaron de ne pas lui avoir donné signe de vie et ne comprend pas sa radicalisation. Aaron refuse de faire quoi que ce soit qui soit en désaccord aves ses croyances. Ce désaccord idéologique n’est pourtant pas désespéré. Si seul les liens du sang ont l’air d’unir les deux frères, le peuple de Jérusalem lui, aurait pour point de ralliement son attachement à leur terre, que ce soit d’un point de vue historique ou religieux. La relation qui unit le procureur Shelly (Orna Fitoussi) à Aaron, mêlée d’une incompréhension teintée d’admiration dénote aussi un semblant d’espoir. Rien n’est perdu, tout reste à construire. Malgré les abysses qui séparent tous ces personnages aux intérêts si éloignés les uns des autres, leur rapprochement s’effectue grâce à leur entourage, aux nombreuses questions que se pose Aaron et à une forme d’amour pur, sans jugement.
 
Dan et Aaron est un film courageux ; le point de vue de l’auteur est tranché et les conditions de tournage n’ont pas été de tout repos « impossibilité de tourner dans une Yeshiva, ni avec des élèves à moins d’avancer des dollars. Certains membres de l’équipe, religieux menaçaient de quitter le tournage car ils étaient en désaccord avec le scénario ». Un sujet qui remue le cœur des hommes de Jérusalem à Paris, un jeu d’acteur impeccable ; Aaron est joué par un vrai rabbin, et une mise en scène explicite en font un film fort intéressant. La juxtaposition du procès et de l’histoire personnelle de ses deux frères ne le cantonnant pas au seul film politique, il en ressort un film universel ouvert à tous public.

Titre original : Brothers

Réalisateur :

Acteurs : ,

Année :

Genre :

Durée : 116 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

« L’étrange obsession » autopsie sans concessions et de manière incisive, comme au scalpel ,la vanité et le narcissisme à travers l’obsession sexuelle et la quête vaine de jouvence éternelle d’un homme vieillissant, impuissant à satisfaire sa jeune épouse. En adaptant librement l’écrivain licencieux Junichiro Tanizaki, Kon Ichikawa signe une nouvelle « écranisation » littéraire dans un cinémascope aux tons de pastel qui navigue ingénieusement entre comédie noire provocatrice, farce macabre et thriller psychologique hitchcockien. Analyse quasi freudienne d’un cas de dépendance morbide à la sensualité..

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

« Les derniers jours de Mussolini » adopte la forme d’un docudrame ou docufiction pour, semble-t-il, mieux appréhender un imbroglio et une conjonction de faits complexes à élucider au gré de thèses contradictoires encore âprement discutées par l’exégèse historique et les historiographes. Dans quelles circonstances Benito Mussolini a-t-il été capturé pour être ensuite exécuté sommairement avec sa maîtresse Clara Petacci avant que leurs dépouilles mortelles et celles de dignitaires fascistes ne soient exhibées à la vindicte populaire et mutilées en place publique ? Le film-enquête suit pas à pas la traque inexorable d’un tyran déchu, lâché par ses anciens affidés, refusant la reddition sans conditions et acculé à une fuite en avant pathétique autant que désespérée. Rembobinage…