Coffret Hammer – Tome 1 – 1966-1969 – L’âge d’or. Chez Tamasa.

Article écrit par

Dracula, prince des ténèbres. Raspoutine, le moine fou. Frankenstein créa la femme. La femme reptile. L’invasion des morts-vivants. Dans les griffes de la momie. Les vierges de Satan : 7 films de la prestigieuse firme anglaise en Combo Blu-ray & DVD.

Pour nous permettre de poursuivre notre exploration de l’univers fantastique de La Hammer – sujet du coin du cinéphile de cet été -, Tamasa a la bonne idée d’éditer, en ce début novembre, son Tomme 1 consacré au mythique studio Britannique. Pour des raisons liées à des contraintes d’édition, ce coffret, consacré à la période 1966-1969,  fait suite au Tomme 2 – 1970-1976, qui date de 2020. Si, comme dans un bon nombre d’anthologie, toutes les œuvres ne sauraient être du même calibre, les disparités sont ici réduites. Une bonne raison à cela; les artificiers en chef se nomment tout simplement Terence Fisher et John Gilling, six des sept voyages au bout de la peur,  à eux deux, Don Sharp complétant l’escouade.

 

Christopher Lee, le maître des esprits.

À trois reprises la stature et le regard envoutant de Christopher Lee viennent ensorceler ce coffret. De quoi mesurer une grande partie de l’immense talent d’un comédien qui porta avec charisme, dignité et finesse les costumes apparemment étriqués de ses personnages maléfiques. Pour Dracula, Prince des Ténèbres (1966), dans sa seconde peau, Lee est pour la première fois privé de paroles – ce qui dérouta une bonne partie du public à l’époque -, se contentant alors de quelques  mugissements. Le minimalisme de sa gestuelle assurée suffit à cloisonner l’espace de ses proies, tandis que son regard sensuel et glacial agit comme un aimant. Terrence Fisher use avec parcimonie des effets de surprise, jouant admirablement des contrastes saisissants entre une photographie chaude et éclatante et le ton crayeux du visage oblong du Prince des ténèbres. Un modèle de récit classique magnifié de bout en bout.

Sous la direction de TDon Sharp, errence Fisher, Christopher Lee retrouve une partie de ses camarades de jeu, dont l’équivoque Barbara Shelley, dans Raspoutine, le moine fou (1967). En calquant une trame scénaristique draculienne  le destin et les desseins très controversés du célèbre mystique guérisseur russe, Sharp réussi un véritable coup double. Il fait preuve d’un humour salutaire durant une bonne partie du film, et, permet à Christopher de varier sa partition. Tout en souplesse – même s’il est doublé pour les scènes de danse – et tout en puissance, le comédien prend les allures d’un géant indestructible. Lubricité et souillure viennent compléter la réjouissante panoplie de ce nouveau monstre.

Pour Les vierges de Satan (1968), Terence Fisher projette Christopher Lee dans le camp du bien, sous les traits du Duc Richleau, en lutte contre une secte aux rituels sataniques. Face aux yeux bleus  hypnotiseurs de Mocata (Charles Gray), le regard toujours aussi impressionnant mais moins sombre de Lee va constituer un rempart infranchissable. Sans pour autant solenniser son personnage, l’acteur ne tombe jamais dans le second degré, un savant dosage au service de la crédibilité d’un récit pourtant invraisemblable. Benedict Cumberbatch a visiblement hérité de ce don comme en attestent ces Sherlock Holmes et Docteur Strange. À partir d’un scénario plus moderne, plus percutant que l’on doit au prolifique et brillant Richard Matheson, la mise en scène  Terence Fisher adopte un rythme nerveux, tout en soignant toujours autant l’esthétique de ses cadres.

Les femmes létales

Inversion par rapport au schéma classique, dans Frankenstein créa la femme ( 1967), c’est le docteur Victor Frankenstein qui est ressuscité et non pas son monstre Pour autant, le savant n’est pas  la figure de proue de cette nouvelle séquelle signé Terence Fisher. Un Peter Cushing beaucoup moins habité qu’à l’accoutumée peine à relever une première partie du film aux airs de déjà-vu. Mais, dès que la créature féminine recousue entre en scène, l’horreur éclabousse l’écran. Semblant sortir de l’univers de Franju, l’atrocité de ses meurtres n’ a d’égale que le trouble qui l’anime. Du travail bien fait.

Dans un petit village perdu des Cornouailles, des morts mystérieuses se multiplient, touchant même la femme du médecin. Très, voire trop classique, La femme reptile (1966) de John Gilling, fait monter progressivement une tension dont on connaît par avance les tenants et les aboutissants. Une atmosphère très soignée et des apparitions assez saisissantes comme charmes principaux du moins passionnant opus du coffret.

 

D’entre les morts

Deux  Deads Don’t Die Stories figurent au programme du coffret. Deux excellentes surprises. La Hammer ayant négocié les droits d’exploitation des franchises originelles, Les griffes de la momie (John Gilling, 1966), reprend, bien évidemment  les fondements scénaristes développés par Universal  – abordé dans dans notre coin du cinéphile Universal Monsters de septembre-. Mais la Momie, fort réussie par ailleurs, ne fait que de courtes apparitions laissant toute la place à un récit des plus intéressants. La première partie, mise en place de l’expédition, relève du film d’aventure exotique rythmé, parfaitement adapté à la dimension mythologique du sujet. Puis, lorsque la  Créature enrubannée se déchaîne, l’effroi fait son office grâce à une mise en scène tirée au cordeau. Cadrages dissymétriques oppressants , effets de couleurs, les meurtres exultent un parfum diabolique et sadique assez réjouissant. Dans la lignée des thrillers psychologiques  de John Gilling, dont Le spectre du chat présenté dans notre coin du cinéphile. Les victimes ont plus la part d’entre-elles, méritées leur sort. En particulier, le véritable monstre du film, le richissime homme d’affaires, malicieusement campé par John Phillips.

Toujours John Gilling aussi habile pour orchestrer L’invasion des morts vivants. Des êtres entre deux mondes dans la tradition vaudou déambules dans un petit village de Cornouailles – une région décidément fort accueillante pour les Freak’s Parade. Une atmosphère Chien des  Baskerville très réussie, une bonne dose de flegmatisme et  d’humour british, grâce notamment au très fin Andre Morell, déjà a son avantage dans Les griffes de la momie. Un véritable petit bijou pour les amateurs du genre.

Le Coffret Hammer – Tome 1 – 1966-1969 – L’âge d’or. Chez Tamasa depuis le début novembre 2023.

 

 

 

 

 

 

Lire aussi

La peau douce

La peau douce

Avec « La peau douce », François Truffaut documente une tragique histoire d’adultère seulement conventionnelle en surface. Inspirée par un fait divers réel, la comédie noire fut copieusement éreintée au moment de sa sortie en 1964 par ses nombreux détracteurs; y compris à l’international. Réévaluation.

La garçonnière

La garçonnière

A l’entame des “swinging sixties” qui vont pérenniser la libération des mœurs, « la garçonnière » est un “tour de farce” qui vient tordre définitivement le cou à cette Amérique puritaine. Mêlant un ton acerbe et un cynisme achevé, Billy Wilder y fustige allègrement l’hypocrisie des conventions sociales et pulvérise les tabous sexuels de son temps. Un an après avoir défié le code de
production dans une “confusion des genres” avec sa comédie déjantée Certains l’aiment chaud, le cinéaste remet le couvert. La satire aigre-douce et grinçante transcende la comédie; défiant les classifications de genre.