Antique tragédie dont se sont emparés au XXe siècle – excusez du peu – Giraudoux, Anouilh ou encore Sartre, l’Electre de Sophocle a accompagné Antoine Vitez tout au long de sa carrière, de 1966 à sa mort en 1990. C’est avec cette pièce qu’il fait ses débuts de metteur en scène à la maison de la culture de Caen, dans une traduction du texte grec qu’il a lui-même signée. Il recrute alors Evelyne Istria pour le rôle titre. Un choix sur lequel Vitez ne reviendra jamais, puisque c’est elle qui incarnera la figure d’Electre en 1966 puis à nouveau en 1971 et 1986, lors des deux autres mises en scène de la pièce.
Trois types d’archives sont rassemblées dans ce coffret, qui viennent témoigner et honorer cette expérience d’exception autour de la pièce de Sophocle. En premier lieu, un DVD propose de se replonger tantôt dans des extraits, tantôt dans l’intégralité de ces trois mises en scène d’Electre, grâce à des captations d’époque. L’archive de 1966 où Vitez présente longuement son travail devant les caméras de la télévision française est particulièrement émouvante et instructive. Quant à la captation au Théâtre national de Chaillot de la mise en scène de 1986, elle est un trésor en soi. Antoine Vitez, homme de théâtre qui fut aussi acteur de cinéma, n’a jamais nié son intérêt pour le septième art, un « espace choisi » support privilégié de la mémoire de l’« espace à volonté » du théâtre.
Outre la traduction intégrale du texte de Sophocle signée par Vitez, le livre inclus dans le coffret rassemble quelques textes éclairants du metteur en scène, ainsi que des planches préparatoires de Yannis Kokkos, pour la troisième Electre. Une récente interview de la comédienne Evelyne Istria vient compléter l’ensemble. Plus qu’un album souvenir sur ces mises en scène, ce livre récèle des documents rares, parfois inédits, qui éclairent la démarche de Vitez, son travail sur le texte et sa vision du théâtre. Les extraits audio rassemblés dans le CD viennent quant à eux compléter cet hommage magnifique.
Partout transparaît dans ce coffret l’incroyable vivacité d’esprit et la vision du théâtre d’Antoine Vitez. Les admirateurs du metteur en scène l’auront compris : Trois fois Electre est un coffre aux trésors à triple fonds, à recommander plutôt deux fois qu’une.