Be Bad ! (Youth in Revolt)

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Sois mauvais, Nicky, Nicky, Nicky ! « Moi j´veux de l´amour qui fait boum ! » * Un titre prometteur pour une bluette trop gentiment sucrée.

Nick Twisp, 16 ans, ne veut pas mourir vierge : ça craint. Mais il veut vivre dangereusement… pour les beaux yeux de Miss Perfection ! La matrice est vue et revue depuis Cromagnon : un homme ni grand, ni fort, ni beau est prêt à toutes les acrobaties pour plaire à la femme de ses rêves. Ici, le mythe quasi originel prend sa source dans les trois tomes du journal de Nick Twisp, parus dès 1993 sous la plume de C. D. Payne.

Jean-Paul est vraiment fascinant !

Le scénario est simple. Nick aime Sheeni, mais elle a un petit ami : Trent. A priori, Nick n’a aucune chance : son concurrent aux larges épaules, non content de ressembler à Ken, donne dans la poésie percussive futuriste. Le gendre idéal ! Toutefois, Sheeni préfère Nick : elle aime qu’il l’aime, car Nick a du sang de chevalier. Ce qui pourrait s’arrêter à une simple amourette estivale va devenir pour lui une véritable épreuve du feu. On tient la bonne piste du film : dans une Amérique veule, beauf, pornocrate mais hypocrite, comment transcender une simple affaire d’hormones ?
Nick a l’impression que la terre entière baise sauf lui, et sa quête du Graal a l’air tout sauf romantique. Considéré comme un gamin mais entouré d’adultes irresponsables, il est finalement plus sérieux qu’il n’y paraît, coincé entre sa blondasse de mère, maquée par défaut avec une répugnante usine à gaz barbue, et un père en pleine crise d’andropause – le trop rare Steve Buscemi. Que ce soit Nick, passionné de cinéma, ou Sheeni, fan de Serge Gainsbourg dans une famille ultra puritaine, nos deux tourtereaux (intelligents !) détonnent dans leur univers. Malgré leur contenance cynique affichée – « j’veux du sexe » pour Nick et « j’en ai vu d’autres » pour Sheeni – on devine une envie de mieux : mieux que d’aligner les termes anatomiques pour la jouer décontracté, mieux que les romances lamentables de leurs aînés. L’amour fou, en somme. D’où l’énorme clin d’œil au cultissime A bout de souffle de Godard, et les dispensables petits airs d’accordéons mieux venus dans Ratatouille… Ainsi, pour conquérir définitivement sa dulcinée folle de notre Bebel national, Nick s’invente un double François, emprunté, démoniaque et moustachu, qui veut nous donner de la série noire.

Dans les films, c’est le héros qui séduit la fille. Dans la vraie vie, c’est l’enfoiré.

Rodé à la réalisation de séries télé, Miguel Arteta leur doit beaucoup : l’œil et le goût pour une imagerie colorée plutôt accrocheuse, soutenue par une affection pour les personnages secondaires sur-typés mais malheureusement sous-exploités. Si la gestuelle d’un Michael Cera mi-constipé, mi-dégingandé, peut décrocher quelques sourires, les méfaits de Nick se résument à bousiller les voitures de ses parents ou à mâcher trop de champignons. Dans le registre vilenie adolescente, on préfèrera l’absurdité et la créativité débile et subversive d’une série franchement délirante comme Malcolm.
Les situations comiques déjà sans éclat manquent très souvent de peps : le film pèche finalement par excès de sagesse et carence en relief. A l’image d’une Sheeni, cultivée mais discrète, compréhensive mais exigeante, manipulatrice mais douce, trop totalement mignonne, « wineuse » et ennuyeuse. On songerait volontiers à marier le fameux Ken avec Bernice, la caricature de gothique rêveuse, certes, mais surtout mal fagotée et aisément influençable parce qu’aigrie de jalousie… Une fois de plus, pas question de remettre en cause les attentes de la société en matière de féminité. Pour cela, il aurait fallu creuser un peu plus le profil des personnages. Encore une comédie fadement aimable. Pas encore de quoi s’envoyer en l’air !

* Fais-Moi Mal, Johnny!, Boris Vian.

Titre original : Youth in Revolt

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Durée : 91 mn


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