Bacon, l´homme et l´intime

Article écrit par

Le documentaire « Bacon´s Arena », réalisé en 2005 par Alan Low, étrangement traduit, « Bacon, l´homme et l´arène » tente d´appréhender la personnalité de l´un des artistes plasticiens les plus connus et reconnus du XXe siècle.

L’omniprésence visuelle de Francis Bacon dans le film, qui donna beaucoup d’interviews, reçut des critiques d’art chez lui ou dans son atelier, sans jamais pour autant se laisser filmer lorsqu’il « applique de la peinture sur une toile », renforce l’impression que le documentaire ne s’est pas fait sans lui, comme si Bacon avait participé à son élaboration (chose impossible puisqu’il est mort en 1992). Sa nature accueillante, ses taquineries et sa liberté de parole font de lui le sympathique fil conducteur d’une narration quelque peu décousue.

Alan Low s’intéresse plus à la vie sentimentale de Francis Bacon qu’à une étude minutieuse de son œuvre. Il présuppose que son travail se décompose en décennie, chacune correspondant à un compagnon important dans sa vie. Si le documentaire est donc chronologique, de sa naissance en Irlande jusqu’à la grande exposition du Grand Palais en 1971, et s’attarde sur ses expositions majeures, les lieux où Bacon travailla, l’étude de son travail reste superficielle, et cherche plutôt les traces de sa vie sentimentale dans ses tableaux. En comptant le nombre de fois où le peintre s’inspira de ses amants pour ses toiles, le narrateur en déduit presque l’importance de chaque amant dans la vie de l’artiste. Peter Lacy, George Dyer, et John Edwards, dernier homme dans la vie de Bacon, a qui il léguera tout ce qu’il possède, apparaissent à de nombreuses reprises dans le documentaire, filmés ou photographiés à ses côtés.

Loin d’être inintéressante, cette approche, où les personnes interviewées décryptent la personnalité du peintre et de ses amants n’en reste pas moins quelque peu anecdotique, et parfois réductrice. De même, certaines images, comme des scènes de mise à mort de corrida ou des visions d’animaux de la savane, si elles peuvent être comprises dans les motifs d’inspiration de Bacon, font surtout remplissage. Par ailleurs, les importantes allusions aux comportements sexuels de Bacon (l’artiste aurait été tantôt masochiste, tantôt sadique, amateur de relations passionnelles dangereuses) n’éclairent jamais le pourquoi de sa peinture, ni ses thématiques. Ces informations, très personnelles, restent donc récoltées en vain, comme pour justifier la nature tumultueuse d’un peintre de « la violence », lui qui se justifia toujours de ne faire qu’enregistrer les événements du réel tels qu’il les voyait.

Ce n’est que quand Bacon partage (avec un critique d’art britannique accompagné d’une équipe de la BBC) son expérience de peintre, qui laisse son geste et ses figures apparaîtrent sous l’influence du hasard, et de ce qu’il nomme « l’accident », que le documentaire devient passionnant.

Il y a de tout dans le film d’Alan Low : ceux qui veulent découvrir la personnalité de Francis Bacon et le récit de ses amours y trouveront leur compte, à condition d’être au préalable familier de son travail. Pour les autres, quelques images de ses tableaux, accompagnées de ses sources d’inspiration majeures (il s’inspirait autant de photos que de journaux ou d’autres peintres) et des dates clés de son parcours ne suffiront pas à s’initier au travail de cet artiste passionnant, grand coloriste et génial inventeur formel.

DVD disponible à partir du 3 février 2010, édité chez Arte Editions France.


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi