Artémis coeur d’artichaut

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Moyen métrage bizarro-charmant sur une Artémis moderne héritée de la Nouvelle Vague.

Il y a un mot anglais, quirky, qui résume assez bien tout ce qu’est Artémis cœur d’artichaut. On pourrait le traduire par « excentrique », mais la définition serait limitée, le terme contenant également les notions de  « original », « bizarre » ou « décalé ». Autant de notions qui conviennent au premier « long » métrage (64 minutes) d’Hubert Viel, ancien étudiant en cinéma et en philosophie qui présente ici un film en Super 8 et en numérique, tourné en noir et blanc, dans une esthétique et un mode narratif tout à fait hérités de la Nouvelle Vague. Pour motif, quelques instants dans la vie d’Artémis, jeune étudiante en lettres modernes à l’université de Caen, plutôt misanthrope, qui ne supporte « que les enfants ». Un jour, elle rencontre Kalie, son double exubérant : l’amitié est foudroyante, la jeune fille s’installe chez Artémis, et toutes deux vont apprendre quelque chose l’une de l’autre. Entretemps, elles auront fait une virée à la mer, jeté leur dévolu sur un pizzaïolo sexy, transformé un prétendant en cerf (le film est adapté des Hymnes de Callimaque), assisté au concert d’un chanteur de punk pour enfants.

Artémis cœur d’artichaut est charmant sans convaincre tout à fait, trop occupé à recycler les références explicites à la Nouvelle Vague sans parvenir à trouver son ton propre : Godard pour le côté organisé à la volée autour d’un thème de base, Rohmer et Rozier pour les scènes de copines entre elles à la plage. À la vision du film vient également à l’esprit le très beau court de Sophie Letourneur, Le Marin masqué (2012) : même esthétique, même utilisation du noir et blanc et du Super 8, mêmes conversations a priori d’une grande banalité. C’est pourtant dans les dialogues que Artémis puise ses plus jolis moments, comme la rencontre des deux filles au resto U, pure séquence d’énergie qui témoigne de la bonne santé de la débrouille – que certains se mettent aujourd’hui à appeler le « nouveau cinéma français », avec des cinéastes comme Antonin Peretjatko (La Fille du 14 juillet, 2013), Benoît Forgeard (Réussir sa vie, 2012) ou encore plus récemment Justine Triet (La Bataille de Solférino, 2013), qui n’attendent pas d’avoir un budget conséquent pour se mettre à tourner.

Hubert Viel est de ceux-là : autoproduit à 90%, son Artémis a le goût d’un certain système D, fait de peu de répétitions, sans coach d’acteurs, sans script et sans assistant réalisateur. S’en dégage, dans ses meilleurs moments, une vitalité assez réjouissante faite accidents qui font que le film respire. Et si le tout ne fonctionne pas toujours (le narrateur omniscient, Viel lui-même, qui apparaît à l’écran ; certaines voix off), sa recherche de l’originalité à tout prix le desservant parfois, l’ensemble est pourtant suffisamment fou et enlevé pour que l’on attende avec curiosité le prochain vrai long de Viel qui, après nous avoir fait croire à son histoire, laisse sa fin ouverte et invite élégamment à imaginer ce que l’on veut.

Titre original : Artémis, coeur d'artichaut

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Durée : 64 mn


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