All That I Love

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Sexe, rock & Solidarnosc. Jacek Borcuch filme la Pologne de 1981 avec la mièvrerie et l’indigence d´une série pour ados.

Déjà, ça part très mal. All that I love s’ouvre sur des images d’archives : banderoles, pancartes et défilés rappellent les mouvements de grève qui secouèrent la Pologne en 1981. Jacek Borcuch entend sûrement camper le décor, redonner vie à cette époque. Mais dès le générique il traite l’arrière-fond politique comme une simple carte postale, jouant sur le folklore. Aux couleurs désaturées s’ajoutent quelques surimpressions, façon tags sur les murs. Poings tendus, sigles anarchistes, inscriptions « No Future » et autres « Punk not dead » grattent la pellicule et posent le niveau d’ambition du film : un gribouillage de lycéen sur un cahier d’histoire. Inventivité : zéro. Réflexion : zéro. Peu importe, puisque ces premières minutes titillent la fibre nostalgique – clin d’œil aux anciens, appel du pied aux jeunes. La révolte se résume ici à de jolis slogans, des codes faciles et une bande-son d’enfer.

Armé de ses dix-sept ans, de sa belle gueule et de toutes ses dents, Janek vit uniquement pour la musique. Avec son frère et deux amis, il monte un groupe de punk, baptisé Wszystko co kochamAll that I love. « Tu es un romantique » lui glisse la jolie Basia, qu’il raccompagne après les cours. Allons bon, réplique le blondinet, « le punk ne peut pas être romantique » ! Le film s’acharne pourtant à lui donner tort, mariant sueur et eau de rose, drapeau noir et fleur bleue. D’un côté paroles crues et concerts sauvages, de l’autre clavier bien tempéré et ballades dégoulinantes. Jacek Borcuch s’adresse clairement aux midinettes et multiplie les scènes d’une naïveté confondante : premier baiser sous un lampadaire, méditation face à la mer… Il empile les clichés visuels avec une aisance remarquable : expédiant une cassette à un festival, Janek souffle sur l’enveloppe pour lui souhaiter bonne chance ; après une prestation devant un public en délire, les quatre garçons dans le vent sautent au ralenti sur la plage…
 

Au bout d’une demi-heure, le général Jaruzelski décide que ça suffit et décrète la loi martiale. Commence alors un autre récit, plus captivant a priori. Mais le scénario ne tire aucun relief de cette situation historique, et déroule gentiment un programme attendu : le père de Janek est un militaire de carrière, tandis que le père de Basia, vous l’aurez compris, bat pour Solidarnosc. Les deux tourtereaux rejouent alors Roméo et Juliette dans les cages d’escalier, bravant le couvre-feu. Leur histoire impossible mène logiquement à la séparation : cela permet au cinéaste de s’offrir une séquence poignante, où Janek revoit sa dulcinée marcher dans les blés ; fou de douleur, il peint dans un hangar « Basia, je t’aime » – le « A » sauce anarchiste évidemment… Cette rupture offre sa meilleure partie au film, qui délaisse la ville pour la campagne et se recentre sur les adultes. Mais là encore le décès de la grand-mère ne constitue qu’une parenthèse, lourdement appuyée par des plans symboliques : les vagues se brisent, des oiseaux s’envolent… Après la mort, la vie continue, trois secondes et on n’en parle plus. D’ailleurs, sitôt cette affaire réglée, le jeunisme reprend ses droits et Janek rigole en bas de l’immeuble avec ses potes.

D’une platitude complète, la mise en scène illustre sagement tous ces poncifs. Quand Janek fait du piano, le cinéaste prend soin de composer des cadres fixes et horizontaux, afin de souligner la rigidité de la musique classique. A l’inverse, lorsqu’il se lâche au micro, la caméra à l’épaule accentue son énergie et sa fébrilité. Ou quand la forme redouble le fond, pourtant déjà prêt-à-penser. Le casting distribue les rôles selon une partition mécanique : la femme mûre initie à la sexualité, la jeune fille à la douceur ; derrière l’uniforme, le père est un brave homme qui comprend son fils, tandis que le voisin galonné n’est qu’un censeur jaloux. Autant d’oppositions stupides, qui achèvent de rendre insipide ce produit sans âme ni personnalité.
 

Titre original : Wszystko, co kocham

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Durée : 95 mn


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