A la recherche de Vivian Maier

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<< Je suis une sorte d´espion >>.

Une commerçante ayant connu la photographe Vivian Maier témoigne un peu perfidement : « Je trouve le mystère autour de la personne plus intéressant que le travail de Maier lui-même ». L’argument du documentaire est là, dans ce doute persistant, que John Maloof, jeune réalisateur et découvreur des archives de la photographe effleure à peine, certainement parce qu’il a le nez en plein dans la fascination pour sa « créature ». Qu’est-ce qui, chez Vivian Maier, passionne le plus : son œuvre ou sa vie de baby-sitter sans histoire, dénuée de toute reconnaissance, elle qui photographia toute sa vie sans jamais montrer à quiconque un seul cliché ?

La découverte posthume, durant l’hiver 2007, à Chicago, de tonnes d’archives et pellicules de la solitaire dame de Chicago est un bel exemple de storytelling documentaire, où le travail d’exhumation d’une œuvre invisible aux yeux de l’histoire provoque au présent la création d’une personnalité artistique fantasmée.

Vivian Maier était sans doute aucun une photographe prolifique, une archiviste aussi peut-être. 100 000 photographies retrouvées dans plusieurs gardes-meubles, 700 rouleaux de pellicules couleurs, 150 films (16mm et 8 mm) et même des cassettes audios sur lesquelles elle posait sa voix. En grande obsessionnelle du document, elle conservait tout, empilant ses objets comme des poupées russes pour minimiser la place. Habits, tickets, coupons, courriers, lettres, reçus datant d’une trentaine d’années, objets et breloques en tout genre, rien n’était trop anodin pour celle qui, on peut s’amuser à le penser, documentait peut-être consciencieusement son passage à la postérité.

 

 

Le documentaire est très classique : une fois introduit les questionnements de John Maloof et les prémisses de sa quête, il se compose d’entretiens avec ses anciens pupilles, et les familles de ceux-là, ainsi que des rares personnes qui ont croisé la route de Vivian Maier des années 50 à nos jours (elle mourra en 2009 dans l’anonymat).

Les témoignages de plusieurs photographes associés à la vision de ses photographies au format carré éclairent bien sur les zones d’ombres d’une personnalité, ses côtés sombres, mais également la modernité de sa démarche artistique et de son mode de vie. Ainsi, cette nanny de familles huppées, en plus d’avoir voyagé et travaillé seule à peu près partout dans le monde à une époque où ce n’était pas encore le privilège des femmes, visitait les quartiers mal-famés de Chicago pour y ravir des images de passants, à l’instinct, dans une démarche de street photography que lui permettait son Rolleiflex carré ; appareil idéal pour les photos volées, vu que le viseur ne se mettait pas à l’œil. Ses photos, le plus souvent des portraits en contre-plongée, possèdent à la fois un grand sens de la composition, de la tragédie, de l’humour, ainsi qu’un travail sur les couleurs espiègle et splendide.
 
Celle qui était « vêtue comme on s’attendrait à voir une ouvrière dans une usine soviétique des 50’ », grande femme au physique un peu chevalin, secrète et obsessionnelle, semblant tout au long de sa vie cultiver une étrange messe de l’anonymat. Toujours elle se faisait appeler différemment par les enfants et les familles dont elle s’occupait : miss Maier ou miss Mayers, Vivian ou Viv, aucun souvenir ne semble concorder sur une appellation commune, hormis celui des commerçants, à qui elle refusait de donner son vrai nom, se faisant appeler V. Smith.

 

 

Le troisième tiers du film s’engage sur une pente assez délétère, tentant à tout pris de résister à son statut d’hagiographie, en offrant des témoignages, assez discutables, d’anciennes pupilles de la dame prétendant avoir subi des sévices de sa part. Cette charge contre l’artiste se prolonge dans la description de ses excentricités, de sa solitude et de ce qui en faisait aux yeux des bonnes gens une marginale. Il y est raconté qu’elle a pris de nombreux clichés d’un enfant étendu dans la rue après avoir été percuté par une voiture, enfant qui était d’ailleurs le fils d’une amie à elle. De même, passionnée par les faits divers sordides, elle a plusieurs fois enquêté dans les quartiers où ont eu lieu drames et violences, interrogeant à la manière d’une journaliste l’entourage, confirmant assez le bien fondé de sa misanthropie. Etrange comportements aux yeux de certains, mais aujourd’hui, on y verrait plus un engagement sans faille à son travail, dénué d’affects et de sensiblerie.

A contrario, on la surprenait aussi avec son Leica en train de questionner des commerçants sur l’actualité politique et sociale du pays, devisant avec bonne humeur, tout comme on la voit aux côtés de ses nombreux enfants, en super nanny aventurière qui privilégiait les jeux au grand air, artiste de l’instant au mystère toujours irrésolu, qui offre son immense travail en indice.
 

Titre original : Finding Vivian Maier

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Durée : 84 mn


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