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Quatre minutes reste un tantinet moraliste, la liberté que Chris Kraus tente d´insuffler à ses personnages n´arrivant pas complètement au spectateur.

Une jeune femme, Jenny, est en prison pour meurtre. Traude Krüger est professeur de piano pour les détenues de cette prison. La première a un passé douloureux avec la musique, alors que la seconde jubile à l’idée de pouvoir faire concourir, pour le Conservatoire, la jeune femme, qu’elle pense prodige. Cette rencontre exclusive et musicale est alors prétexte à traiter plusieurs thèmes dramatiques tels que la violence, l’amour, l’homosexualité et encore le passé. Le film s’annonce donc passionnant, pourtant, il semble que le réalisateur, Chris Kraus, dont c’est le deuxième film, se laisse dépasser par sa mise en scène et ses sujets.

L’idée d’écrire un film en partant d’une image rêvée ou vue est très enthousiasmante pour un metteur en scène. Elle révèle d’une première démarche cinématographique « pure », puisqu’elle s’inspire justement de l’« image ». Chris Kraus fut ainsi fasciné, quand il vit, il y a huit ans, une photo représentant une dame de 80 ans, assise au piano dans une cellule de prison. La présence « solitaire et masculine » de cette vieille dame photographiée de profil lui évoque « une histoire de passion, de volonté et aussi de folie ».

La grande qualité des images, permise grâce une lumière particulièrement soignée et à certains cadres biens sentis, rendent bien compte d’une réflexion sur la représentation des choses ou des personnes et leur interprétation que chacun fait selon sa propre expérience et sa sensibilité. Chris Kraus a eu un grand choix d’interprétation en voyant cette l’image fixe et certainement énigmatique de la vieille dame. Il ne laisse pas beaucoup ce choix, peut-être pas assez pour que le film est un réel intérêt. La relation entre les deux femmes est certes très touchante, mais, malgré un effort de subtilité, reste peut-être trop appuyée et trop évidente.

Chris Kraus s’est aussi beaucoup concentré sur la musique ; il sait « qu’aucune musique de film ne peut échapper à la manipulation » et de ce fait « qu’ il n’y a pas de film Dogme dans lequel la musique occupe une place centrale ». Pourtant, il fait ici le choix risqué de donner à la musique un rôle principal, en évitant souvent à celle-ci d’être le seul artifice pour donner une soi-disant force, ou ajouter de l’émotion à l’image. Exercice difficile quand on s’attaque à des compositeurs tels que Mozart, Beethoven, Bach ou encore Schubert.

Le film de Chris Kraus reste une belle histoire d’amour, bien interprétée par deux actrices investies. Un film non dénué de personnages secondaires, complexes à l’image du gentil gardien avide de vengeance ou du père de la jeune femme, rongé par la culpabilité. Les retours à l’Histoire, violents et émouvants émanent, un peu trop systématiquement de la mémoire de Traude.

Au final, Quatre minutes reste un tantinet moraliste, la liberté que Chris Kraus tente d’insuffler à ses personnages n’arrivant pas complètement à convaincre.

Titre original : Vier Minuten

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Durée : 112 mn


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