20th Century Women

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Une ombre féministe très diffuse plane sur ce récit d´apprentissage plutôt plat de l´Amérique de la fin des années 70.

Santa Barbara, 1979. Sous le soleil caressant d’une Californie dynamique, Dorothea (Annette Bening) élève seule son fils Jamie (Lucas Jade Zumann). La colocation se complète avec Abbie (Greta Gerwig), jeune femme d’une trentaine d’années, et Julie, adolescente comme Jamie, qui habite à côté. Trois femmes et trois générations dont les parcours et les vies se télescopent dans une même maison pour former le récit d’apprentissage de Jamie.

Sisterwood is powerful

Le cinéaste Mike Mills dresse le portrait, comme le titre de son film l’indique, de destins de femmes du vingtième siècle, aux Etats-Unis, depuis leurs points de vue, leurs façons d’être au monde et les bouleversements sociétaux qu’elles ont pu connaître. C’est autour du personnage de Dorothea que gravite le long métrage, la plus âgée des trois, née au moment de la guerre, femme émancipée, comme l’est Abbie, qui accompagne elle la deuxième vague féministe, avec son bréviaire : Sisterwood is powerful : An Anthology of Writings from The Women’s Liberation Movement (Robin Morgan (dir.), 1970). Elle est une photographe à l’esprit punk, inspirée d’art conceptuel et faisant fi des tabous d’avant sur le corps féminin. Elle et Julie se voient proposées, par une Dorothea inquiète de paraître vieux jeu à son fils, de faire découvrir leurs regards sur le monde à Jamie, leurs regards de filles et leur rapport à la sexualité. Le jeune garçon absorbe les théories féministes et la liberté des mœurs autour de ces femmes. Mike Mills développe une œuvre tendre mais bien trop convenue pour faire honneur à son sujet, comme la pièce d’une maison d’époque qu’on se serait contenté de remplir d’objets vintage, pensant ainsi la remettre au mieux dans son jus.
 

 
Lisse apprentissage

L’amabilité réelle du film, et particulièrement de ses interprètes (Annette Bening en tête), qui forment une collectivité plutôt incarnée, n’empêche pas le long métrage de demeurer à un stade de mise en scène trop accommodant. C’est la voix off bienveillante de Jamie tout au long du film, qui servira un hommage d’amour à sa mère ; c’est l’homme à tout faire sympathique et un peu hippie (Billy Crudup) qui traîne dans la maison. Chaque nœud du récit, chaque personnage, chaque détail de l’oeuvre (sa musique en formes de bulles légères, ses couleurs saturées et chaleureuses) paraît s’agencer tranquillement sans saillie ni accroche, prêtant à sourire sans jamais faire vraiment rire, chacun possédant une caution en émotion bien déterminée (Abbie qui ne peut pas avoir d’enfant, Julie qui a une mère étrange,…) qui s’exprime de façon la plus admise et arrangée. Ce récit d’apprentissage semble alors bien lisse, très éloigné de ses mouvements d’époque, voire de siècle, comme le laissaient entendre le titre du film. Les incursions dans la matière de ce temps ne se font sentir que comme des diapositives passées très vite, voire carrément réduites (le féminisme, le discours du président en fonction à l’époque Jimmy Carter). Petite carte de voeux acidulée dédiée à une époque et à ses femmes, 20th Century Women s’aventure peu au-delà de son paysage avenant et nostalgique, sans relief particulier, si ce n’est quand il se met à citer Jimmy Carter, prévenant dans un discours qui fut étrangement moqué, la bascule à venir des années 80.

Titre original : 20th Century Women

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Durée : 118 mn


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