Oxhide II

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Il n´y a que les Chinois, semble-t-il, pour avoir le culot de filmer une pareille situation…

En l’occurrence, une Chinoise qui s’approche au plus près de l’acte hypnotique de la création cinématographique, à la manière du magnifique Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (Chantal Akerman, Quinzaine des réalisateurs Cannes 1975 où le film fut hué) qui, lui, possédait un scénario, en tout cas une histoire. Ici, rien de tel. Le lancinant déroulement d’une préparation de raviolis pendant plus de deux heures. Une gageure, une folie, un acte d’envoûtement dirais-je plutôt. Bien sûr, il faut s’accrocher pendant les premières longues minutes du film car on ne comprend pas bien où l’on va, écoutant mollement les bribes de conversation. Mais surtout fasciné par le lent travail des couteaux de cuisine. La salle se vide peu à peu d’ailleurs. Les spectateurs qui dépassent la première heure resteront, j’en suis certain, comme hypnotisés par ce rythme lent, par ce mouvement zen de création gastronomique comme si les trois personnages, sans compter les chats, avaient toute la vie devant eux alors que nous, pauvres Parisiens, courons tout le temps comme des dératés.

Voici ce que précise la note d’intention qui accompagne le film pas encore distribué en France et montré lors de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes :

« Une table ; un dîner de bouchées ; une famille de trois personnes.

Neuf scènes tournées autour de la table, entre chaque scène, 45 degrés.

132 minutes en temps réel.

Voilà le sujet de Oxhide II.

La réalisatrice et ses parents jouent les trois personnages.

Il n’y a pas de quatrième personnage, à part les chats. »

Tout est dit, en effet. Film intimiste et profond, expérimental et magique, on ne saurait que vous le recommander pour recevoir une leçon de courage et de cinéma. Encore une fois, la preuve est apportée que la Quinzaine, même si sa sélection est souvent agaçante, joue parfaitement son rôle de découvreuse de talents. On a hâte d’en savoir plus sur cette jeune réalisatrice qui, dans le film, se présente comme une jeune fille un peu androgyne et maladroite qui apprend de ses parents comment on découpe la ciboulette en morceaux de 4 mm. et referme la pâte d’un ravioli à la viande trop grasse. C’est autour de cette table, visitée par une caméra fixe, sans raccord, immense plan séquence où l’on voit rarement les visages, mais surtout des mains toujours en action. N’oubliez pas, avant d’entrer dans la salle, de réserver dans un bon restaurant chinois tant ce film qui joue, en plus austère et minimaliste, sur le terrain du génial Festin de Babette (Gabriel Axel, 1987) vous donnera envie de déguster un bon repas préparé avec soin. Le plaisir et la conversation naissent de l’art de préparer à manger et nous ne sommes pas dans La Grande Bouffe (Marco Ferreri, 1973) ! Un régal réservé aux esprits curieux. Au fait, « oxhide » ça voudrait dire en anglais quelque chose comme « viande de bœuf ». Rouspéteurs, pressés, amateurs de Taxi, s’abstenir…

Titre original : Niu Pi Er

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Durée : 132 mn


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