MR 73

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Après « Gangster », passé quasi inaperçu, puis le très moyen 36 quais des Orfèvres, Olivier Marchal clôt son triptyque par MR73 qui s’écarte totalement de ses aînés. Au cœur de ce thriller à l’ambiance noire très marquée, tous les ingrédients du polar sont présents. Assurément, MR73 ne fait pas partie de ces films policiers […]

Après « Gangster », passé quasi inaperçu, puis le très moyen 36 quais des Orfèvres, Olivier Marchal clôt son triptyque par MR73 qui s’écarte totalement de ses aînés. Au cœur de ce thriller à l’ambiance noire très marquée, tous les ingrédients du polar sont présents. Assurément, MR73 ne fait pas partie de ces films policiers rassurants que propose la télévision. Ici, le héros ne triomphe pas à la fin. MR73 préfère dépeindre la tragédie humaine en toile de fond. Le film tire d’ailleurs toute sa noirceur de faits inspirés d’une histoire vraie, vécue en partie par le réalisateur, un ancien flic.

Louis Schneider est policier. Il vit reclus dans les sous-pentes d’un hôtel marseillais. Louis est en pleine descente aux enfers. Il a perdu sa fille dans un accident de voiture. Sa femme est devenu tétraplégique. Un drame qu’il noie dans l’alcool et ses enquêtes. Sous son large imperméable sombre, le whisky place Louis Schneider dans un état d’anesthésie émotionnelle quasi permanant. C’est alors que son chemin croise celui d’une jeune femme bouleversée que la remise de peine dont est sur le point de bénéficier l’assassin de ses parents replonge dans les cauchemars d’enfance. Elle lui demande de l’aide.

Cette rencontre coïncide précisément avec l’apparition à Marseille d’un serial killer qui mutile, viole et torture ses victimes. Comme pour garder la tête hors de l’eau, Louis se lance alors corps et âme à la poursuite de ce tueur psychopathe. Mais ses souvenirs encore saignants remontent peu à peu à la surface. L’affaire est devenue personnelle. Daniel Auteuil joue ce rôle – que le cinéma aime tant lui donner – du flic désabusé ; le héros déchu ; l’ancienne gloire de la police tombée dans les affres de l’alcoolisme.

MR73 débute par cette phrase choc « dieux est un fils de pute, je vais le buter ». Le ton est donné. Le film sera rouge, rouge sang. La musique originale composée par Bruno Coulais est sur la même veine et les joyeusetés d’un piano décomplexé n’éclaboussent pas les oreilles. Cette empreinte musicale forte manque parfois cruellement d’émotion et enfonce alors le film dans sa noirceur. A l’inverse, l’apparition – remarquée – du "avalanche" de Leonard Cohen – avec ses cordes endiablés rapidement jouées et la voix grave et nostalgique du chanteur – correspond admirablement au personnage interprété par Daniel Auteuil. Tout cet ensemble introduit le film brutalement et saisit d’entrée le spectateur.

La mention « inspiré d’une histoire vraie » en début de film laisse perplexe au premier abord. Son utilisation récurrente dans le cinéma finit par lasser. Le film évite heureusement l’écueil de la biographie ciblée d’un homme déchu. Il ne rechigne cependant pas à utiliser certains clichés. Le genre du polar peut et doit parfois s’autoriser cette sorte de facilité pour construire son ambiance. Le scénario n’atteint certes pas le niveau de cisèlement d’une intrigue d’Agatha Christie. Il puise toutefois son alchimie dans un style revisité : le polar français.

Dire qu’on ne sort pas indemne de MR73 est un poncif. L’alchimie du scénario, des acteurs, de l’image et de la réalisation opère encore longtemps après. Résurgence d’émotions, MR73 pousse à la réflexion. Il remplit en cela parfaitement le rôle de catharsis dévolu au cinéma : la purification de l’âme par le spectacle de la violence. Les "happy end" méritent parfois d’être oubliés. MR73 est la preuve éclatante. Sombre, violent, il bouleverse, choque, émeut. Surtout, il ne se perd pas dans des hésitations et propose une vision profonde et tranchée de la vie et ses contrastes.


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