Madagascar 3, Bons Baisers d’Europe
Article écrit par Mickaël Pierson
Le bruit et la fureur.
La saga Madagascar, c’est un peu « comment mettre dix éléphants dans une 2CV ». Soit des personnages qui ne cadrent pas avec les situations qui leur sont proposées. De l’écart produit surgissant le comique : de la girafe télescope à l’ourse en tricycle – géniales trouvailles de ce troisième numéro – la confrontation des personnages fonctionne à merveille et sert le fonds de commerce de Dreamworks dont les productions peinent encore à joindre les deux bouts. Quand le studio tient un bon scénario, il n’exploite que trop peu les ressources du film (on le notait encore à propos des personnages secondaires de Kung-fu Panda 2) et s’il fait preuve d’inventivité comique et visuelle, c’est le scénar qui en pâtit. Démarrant en trombe, Madagascar 3 s’essouffle comme une vieille baudruche. Alors certes, visuellement le spectacle est explosif – l’assombrissement des lunettes 3D sert pour une fois à quelque chose et vous évitera de perdre un œil – mais il sert une histoire tellement gonflante que même le défilé de personnages comiques à souhait – lémuriens et pingouins volant toujours la vedette aux autres – ne sauve réellement l’ensemble.
Et pourtant, le début de ce troisième volet est remarquable. On se croirait presque chez Gore Verbinsky lorsque celui-ci se laisser aller à ses penchants surréalistes version discussion avec une cacahouète (Pirates des Caraïbes 3) ou ballet de pantins à la Dali (Rango). Perdus depuis la fin du deuxième écolo-épisode dans des décors désertiques dignes du Roi Lion, nos comparses à poils mais sans plumes s’ennuient à mourir. Faut dire qu’il n’y a rien à faire dans ce fichu désert : manque d’animation, manque de pollution… La nature c’est pour les gogos, faut retourner au zoo ! Pour cela, direction Monte-Carlo – au prix d’une ellipse narrative qui rendrait dingue tout professeur de scénario – pour récupérer pingouins, singes syndiqués et carcasse volante. Passée un bluffante relecture d’une scène phare de Mission impossible mâtinée d’Ocean Eleven, ce beau petit monde se retrouve à la tête d’un cirque qui sillonne l’Europe dans l’espoir d’un gros contrat vers les States, tout en étant poursuivi par un membre chevronné de la brigade animalière française qui veut compléter sa collection de trophées de chasse tout en chantant de temps à autre du Piaf – un jour il faudra expliquer aux Américains que les Français n’écoutent pas que la môme et possèdent tout un tas de chanteuses tricolores toutes prêtes à leur casser les oreilles et enrober leurs films, sans parler des Québécoises…
Madagascar 3 tient en gros le coup jusqu’à l’arrivée du cirque. Il faut dire que les scènes qui précèdent s’avalent pied au plancher. L’introduction d’un nouveau contexte et de nouveaux personnages, somme toute assez fades à l’exception d’une otarie trop en retrait et de juments triplettes andalouses inutilisées, va installer le film sur des rails trop confortables. Madagascar 3 joue alors, littéralement de l’emphase pyrotechnique superbe mais abrutissante – par pitié arrêtez de faire tomber tout et n’importe quoi sur l’écran pour justifier une 3D relativement agréable sans ces effets aguicheurs! – pour calfeutrer tant bien que mal l’absence d’une bonne histoire à raconter. Alors oui c’est drôle, oui c’est joli, mais c’est aussi drôlement paresseux… Si la qualité de l’animation s’améliore sensiblement chez Dreamworks ces derniers temps, on enfile mollement les perles en attendant un final qui célèbrera le goût du travail plutôt que de l’oisiveté – rappelez-vous, nos compères s’ennuyaient au début – histoire de ne pas oublier les vertus éducatives du film pour enfant.
« Madagascar est devenu une marque qui tient ses promesses. Quand on commande un Filet-o-Fish, on sait d’avance que c’est bon. Et qu’on le commande à Brooklyn ou dans le Kentucky, c’est le même Filet-o-Fish. C’est une certitude. Et bien, Madagascar, c’est la même chose ! » Les mots de l’acteur Chris Rock, voix originale du zèbre Marty, symbolisent bien le système Dreamworks : des produits souvent moyens parfois rehaussés d’exhausteurs de goût et d’arômes de synthèse qui peuvent faire illusion. Pour l’humanité par contre, on repassera. L’idée de se retrouver avec un produit de qualité toujours égale a quelque chose de rassurant. Mais si ce produit a le goût de la nourriture d’un fastfood bas de gamme, on peut pour le même prix aller voir ailleurs. Là où on mange mieux et où c’est plus nourrissant…