Jumper

Article écrit par

Jumper, avant d’être un film, c’est un concept riche de possibilités et de promesses visuelles. Hélas, à l’écran, il ne reste qu’un blockbuster peu inspiré, une série B de luxe animée par le fade Hayden Christensen.

Tout le monde a déjà rêvé de pouvoir se téléporter où bon lui semble, de se sentir libre comme personne. Un jeune ado comme les autres découvre un beau jour qu’il a ce don, qu’il peut « jumper » d’un bout à l’autre du globe, par la seule force de sa pensée. Un pouvoir qui va le rendre riche, mais qui va aussi en faire l’objet d’une chasse à l’homme menée par une société secrète…

Des super-pouvoirs « qui amènent de grandes responsabilités », un amour d’enfance en danger, un méchant obsessionnel… Manifestement, Jumper a bien appris la leçon donnée par Sam Raimi avec Spider-Man. Tentative pour lancer une nouvelle franchise, surfant sur le succès de la série télévisée Heroes, Jumper laisse tomber les costumes de justicier pour faire de son héros, Davey, un type normal ballotté par les événements. Un « jumper » incarné par le fade Hayden Christensen, qui passe son temps à squatter les monuments historiques de la planète, à rejoindre les meilleurs spots de surf, et qui se met en tête de retrouver son amour d’enfance… Bref, un personnage incroyablement inintéressant malgré son potentiel narratif. Bien sûr, Le scénario de David Goyer, spécialiste des films de super-héros, notamment avec la trilogie Blade, ne fait d’ailleurs pas l’impasse sur le côté sombre de ce pouvoir hors-norme : le sentiment diffus de solitude, puisque Davey ne peut révéler son secret à personne.

Jumpeur ? Zappeur, plutôt !

On peut aussi voir dans ce jeune Américain qui a choisi comme repaire la ville de New-York (tiens, tiens…) une vision hypertrophiée de la génération 2000, un zappeur plutôt qu’un « jumper ». Il bondit de carte postale en carte postale, sans s’arrêter en un point précis pour prendre du recul sur sa condition, juste obsédé par une quête hédoniste de plaisir permanent. Seulement, Jumper n’est pas un film réfléxif sur la distorsion du temps et la condition humaine, mais un blockbuster pour djeuns, habitués à zapper les faiblesses d’un montage ultra-cut, et d’un récit manichéen au possible.

Car, oui, malheureusement, jamais Jumper ne tire parti de son excitante idée de départ. Une mythologie trop rapidement survolée (les « jumpers » sont opposés depuis des siècles aux Paladins, des fanatiques qui ont juré de les exterminer), des personnages secondaires à peine esquissés (Samuel Jackson impassible en grand méchant teint en blanc, Jamie Bell cabotin en jumper rebelle), un final en eau de boudin qui parvient à copier le mauvais X-Men 3… La conclusion ouverte laisse entrevoir une suite qui n’est pourtant pas assurée de voir le jour.

Le réalisateur Doug Liman, bien loin de sa grande réussite (La mémoire dans la peau) et les producteurs assurent avoir envisagé Jumper comme une trilogie. C’est à la mode. Mais il faut pour cela livrer plus qu’un simple « pilote » reposant sur des ficelles sur-exploitées. A la télévision, avec moins de moyens et sans doute aussi moins de scènes inutiles, Jumper aurait été un show prometteur. Sur grand écran, ce n’est qu’une super-production bancale de plus.

Titre original : Jumper

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Durée : 95 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…