El Topo

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>. Ces propos d´Alexandre Jodorowski, réalisateur mexicain et auteur d´El Topo, est en toute point de vue, la véritable définition d´une certaine forme cinématographique que l´on retrouvait dans les seventies, surtout durant la période hippie avec les Easy Riders & compagnie. Néanmoins, même avec ce type de cinéma, quelques réalisateurs se mettaient en marge et […]

<< Un véritable créateur au cinéma n´est pas une personne qui fait son film pour un certain public déjà établi, car il crée son public. Il impose sa vision, son instinct, contre vents et marées >>. Ces propos d´Alexandre Jodorowski, réalisateur mexicain et auteur d´El Topo, est en toute point de vue, la véritable définition d´une certaine forme cinématographique que l´on retrouvait dans les seventies, surtout durant la période hippie avec les Easy Riders & compagnie. Néanmoins, même avec ce type de cinéma, quelques réalisateurs se mettaient en marge et réussissaient à faire du vrai cinéma underground sans toutefois palper un succès public

El Topo, c´est quoi ? Ce n´est ni un western, ni un film gore, et encore moins un road movie à cheval, même si tous ces ingrédients sont présents. On pourrait plutôt voir dans ce film une sorte de conte mystique où violence et provocation sont plus que dominants dans l´histoire. Attention, il ne faut pas croire qu´El Topo n´est qu´un simple film de pure provocation destiné à mettre mal à l´aise la ménagère de moins de cinquante ans, avec ses carcasses de chevaux purulentes ou encore ces flux incessants de sang tout au long du film. El Topo est au contraire, une oeuvre immensément riche.

Cette quête sur la découverte de soi, séparée en quatre chapitres ( 1. »genesis » (genèse), 2. »profetas »(prophètes), 3. « salmos » (psaumes) et 4. »apocalipsis » (apocalypse)), est initiée par un pistolero ( Jodorowsky lui-même) tout droit échappé de l´univers de Zorro ou encore, selon les dires du réalisateur, d´Elvis Presley ! Accompagné dans un premier temps de son fils en tenue d´éden (le vrai fils de Jorodowsky), puis de deux femmes bisexuelles, El Topo marche en direction de sa vie, un chemin qui le mènera au crime, à la culpabilité, et pour finir à son destin final : la mort.

Dans cette quête ouvertement autobiographique, on peut y remarquer la présence du fils Jodorowski qui joue là son propre rôle, ou encore aux allusions du cinéaste à son père. Mais le plus important ce n´est pas la quête d´El Topo qui nous est contée ici, mais celle du réalisateur. D´ailleurs la voix off, dans le générique du début, retranscrit très bien cette aventure : << Une taupe, c´est un animal qui creuse des galeries souterraines à la recherche du soleil […] quand elle sort, elle est souvent aveuglée… >>

Alejandro Jodorowsky utilise aussi le mélange des genres pour faire un film unique en tout point de vue. De nombreuses scènes présentent ainsi en même temps de la tragédie, du comique et du dramatique : on pense, par exemple, à la scène du duel entre les bandits et le pistolero symbolisé par un ballon rouge qui se dégonfle. Usant aussi de références multiples pour ce film ( le fétichisme des chaussures de Buñuel en passant par Freaks de Browning ou encore Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll), le réalisateur utilise la provocation afin de montrer un chemin vers la vie. Il montre tout (Sadisme, Masochisme) et ose tout : il faut voir un des bandits qui se mouche avec une page de la Bible, ou encore les bandits homosexuels essayant de violer des moines !

Certains seront choqués par le trop plein de violence véhiculé dans le film, mais le sang n´est-il pas précisément le symbole de la force de la vie, de ce corps (El Topo) qui avance sur ce chemin. Cette violence est justement sacralisée pour en montrer toute sa dimension artistique. L´art n´est pas que doux et beau, il peut être tout à fait le contraire. El Topo s´impose aussi par sa forte valeur esthétique. Il est étonnant de voir un film, réalisé dans les années 70 dans des conditions difficiles (tournage en plein désert), avec un tel travail sur l´image. D´ailleurs, le réalisateur insiste sur l´image et peu sur le dialogue : il préfère parler avec les images, les symboles, plutôt que de clamer tout simplement ses propos.

Parmi toutes les oeuvres cultes de cette période (les fameux Midnights Movies), El Topo reste la plus méconnue. L´oeuvre de Jodorowski fut pourtant la doyenne des cinémas de minuit et de ce fait révéla des pépites telles que Eraserhead de Lynch ou encore La Nuit des Morts Vivants de Romero. El Topo va plus loin en se démarquant par une force unique qui place le long-métrage du réalisateur mexicain au rang des oeuvres inclassables telles que Le Festin Nu ou encore de celles de Guy Maddin.

Il est très difficile de nos jours de réaliser un tel film à moins de s´appeler Jodorowsky ou, à un degré moindre, Tarantino. El Topo, bien que bénéficiant aujourd´hui d´une sortie Dvd espérée depuis bien longtemps par les aficionados du genre, reste encore une oeuvre sous-estimée. Osant le mélange de la violence, de la religion et surtout du sexe (voir le personnage-titre faire jaillir de l´eau, comme Moise, dans une fontaine étrangement phallique), Alejandro Jorodowsky ne signe pas un chef d´oeuvre, mais une véritable oeuvre d´art, chose très rare au cinéma.

El Topo reste unique et aura sensibilisé un public, unique aussi. Quant à certaines personnes, qui fustigent le film en le qualifiant de sadique et de masochiste, laissons l´auteur leur répondre : << Au cinéma, les avis, c´est comme les trous du cul, tout le monde en a un… >>
Tout est dit !


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