Chroniques de Cannes 2021 : Jour 6

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Plongée au coeur du Festival de Cannes 2021.

Des retours sur le tapis rouge

Un film de Sean Penn est toujours une belle surprise. Qu’on se souvienne bien sûr de Into the Wild (2007) à la magnifique carrière, et un peu moins de The Last Face (2016) bien moins bien accueilli dans la cité cannoise. Il revient présenter un film avec sa fille pour Flag Day en compétition officielle. Foulant le tapis rouge, il en a profité pour massacrer encore une fois l’ancien président américain pour sa gestion du virus. « Obscène politiquement et humainement », l’acteur et réalisateur américain Sean Penn a tiré à boulets rouge dimanche sur l’ex-président américain Donald Trump et sa gestion de l’épidémie de coronavirus. Quant à son nouveau film, il nous narre la vie de John Vogel, un personnage hors norme. Enfant, sa fille Jennifer s’émerveillait de son magnétisme et de sa capacité à faire de la vie une grande aventure. Il lui a beaucoup appris sur l’amour et la joie, mais elle va découvrir sa vie secrète de braqueur de banques et faussaire.

Dans la même compétition, et la même salle, en début d’après-midi, on découvre une histoire de train. Tout se passe, ou presque, dans le compartiment n°6 qui donne son titre au film mélancolique et finlandais de Juho Kuosmanen. Une jeune finlandaise prend un train à Moscou pour se rendre sur le site archéologique de Murmansk. Elle va devoir partager son compartiment avec un inconnu.

 

 

Surprenante et lumineuse Hansen-Love

Un peu plus tard, toujours dans la compétition officielle, on attendait beaucoup Bergman Island de la Française Mia Hanson-Love avec Tim Roth, une rêverie sur le grand réalisateur suédois lors d’une résidence dans son île. Un couple de cinéastes s’installe pour écrire, le temps d’un été, sur l’île suédoise de Fårö, où vécut Bergman. A mesure que leurs scénarios respectifs avancent, et au contact des paysages sauvages de l’île, la frontière entre fiction et réalité se brouille… « Rions, un peu, avec Ingmar Bergman, puis, redevenus graves, rendons-lui hommage. Dansons sur la tombe d’un amour qui n’a pas encore fini de bouger, écrivons son épitaphe. Découvrons le passage du Nord-Ouest entre la vie et la fiction. Examinons ce qui sépare les femmes des hommes au moment de créer une œuvre d’art. Le cahier de devoirs de vacances de Mia Hansen-Love offre un programme chargé. Pourtant, quand on le referme, au bout des presque deux heures de projection de Bergman Island, c’est le goût des vacances qui reste en bouche, pas celui des devoirs », comme l’écrit fort joliment Thomas Sotinel dans Le Monde d’hier.

Coup double pour Moretti ?

A 19h30, on pouvait voir le très attendu nouveau film de Nanni Moretti, Tre piani, autrement dit Trois étages. Décidément quel beau dimanche ! Moretti revient à ses anciennes amours, un peu à la manière de son chef-d’oeuvre Caro Diario, en observateur infatigable et plein d’esprit de ses contemporains romains. Qu’on en juge un peu : une série d’événements vont transformer radicalement l’existence des habitants d’un immeuble romain, dévoilant leur difficulté à être parent, frère ou voisin dans un monde où les rancœurs et la peur semblent avoir eu raison du vivre ensemble. Peut-être un coup double à Cannes pour celui qui avait ému le monde entier et avait reçu la Palme d’Or en 2001 pour La Chambre du fils, un film sur la douleur du deuil. France Info était mitigé hier en déclarant : « Fidèle à son approche intimiste, il évoque l’éclatement d’une petite communauté de voisinage qui pourrait bien refléter celui de la société italienne et pourquoi pas de l’Europe entière qui peine à parler d’une seule voix. Mais si le message passe bien, Moretti reste dans les clous d’une mise en scène classique, d’habitude plus inventive. »

Intolérable Benedetta

Mais je n’ai pas oublié que je vous avais promis de revenir sur Benedetta afin de pouvoir méditer et calmer un peu ma critique, craignant d’écrire des horreurs à chaud. Dire que je n’ai pas aimé ce film est peu dire. Je suis très déçu surtout que Verhoeven nous avait habitués à mieux, comme RoboCop (1997), Showgirls (1995), Elle (2016) et même le faussement sulfureux Basic Instinct (1992). Avec Benedetta, il franchit le Rubicon de la vulgarité inutile, mais ce qui aurait dû être sulfureux devient ici une pochade insignifiante, faussement provocatrice et qui, au fond, comme les mauvais films érotiques qu’il devait regarder à l’adolescence, ne sert qu’à mettre en valeur la plastique dévoilée maintes fois de la jolie Virginie Efira et de l’étrange Daphné Patakia. Coproduit entre autres par Saïd Ben Saïd et Jérôme Seydoux, le cinéaste célèbre et volontairement provocateur accouche d’une souris. Tout est trop : le couvent, les nonnes, les vêtements, la scatologie un peu trop hara-kirienne pour sembler vrai. Entre Le Décaméron de Pasolini en plus trash et Dieu créa la femme de Vadim, le film oscille entre une sorte de péplum qui aurait raté son incarnation historique et un défilé de costumes pour un casting franco-français, même si les deux actrices principales sont belges. Mais l’erreur rédhibitoire vient sans doute du choix de Virginie Efira pour interpréter Benedetta : trop jolie, trop à la mode, et que dire de sa blondeur et de son brushing parfait pour incarner une nonne lesbienne de la Renaissance. Et la scène finale du bûcher à la fin vire à la farce, de même que la scène finale digne des Pierrafeux version Playboy. Pourquoi ne pas avoir choisi Léa Seydoux : pour une fois, elle aurait été mieux à sa place. Un coup pour rien, malgré les recherches historiques et scénaristiques de Paul Verhoeven, mais qu’on regrette Isabelle Huppert impeccable dans le très froid et désincarné Elle ! « À l’origine, c’est mon scénariste hollandais, Gerard Soeteman, qui m’a offert le livre de Judith C. Brown, Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne, qui a été écrit il y a une trentaine d’années, déclare le réalisateur dans le dossier de presse du film. Nous avons commencé à travailler sur l’adaptation de ce livre mais nous avons eu des désaccords sur la sexualité, sur la fin, etc. En cinquante années de travail, nous avions déjà connu des désaccords, mais là, nous ne parvenions pas à trouver un terrain d’entente. Gerard a laissé tomber et je me suis tourné vers mon scénariste américain, David Birke, qui avait écrit ELLE. »


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