Chroniques de Cannes 2021 : Jour 12 et Palmarès

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Plongée au coeur du Festival de Cannes 2021.

Aujourd’hui, je n’ai seulement que deux films. Tre piani de Nanni Moretti, revu avec plaisir. Certainement un des plus achevés de cet auteur déjà Palmé. Certains critiques lui reprochent une forme d’académisme. Peut-être, mais il s’inspire aussi de ses prédécesseurs néoréalistes, notamment Ettore Scola par moments. Ce film à tiroir est inspiré du roman de l’Israélien Eshkol Nevo. Par une narration alambiquée, on pénètre dans la vie et les secrets de trois familles qui habitent dans le même immeuble romain. Et c’est encore plus passionnant que de lire La vie mode d’emploi de ce cher Georges Pérec… Le lauréat de la Palme d’Or 2001 avec La Chambre du fils a transposé dans la capitale italienne cette chronique des vies de familles voisines dans un même immeuble de trois étages. Le réalisateur incarne l’un des rôles principaux, celui d’un magistrat dont le fils, ivre, provoque un accident mortel en bas de chez lui et qui refuse de sacrifier ses principes pour lui éviter la prison. Les autres histoires sont tous aussi tristes et on vous invite à adorer ce film qui mériterait bien un prix, ne serait-ce que pour l’interprétation de l’actrice morettienne, Margherita Buy. Du reste, même Riccardo Scamarcio est parfait. Pour moi, avec le film de Bruno Dumont, ce serait des Palmes d’Or parfaites.

On revient aussi sur le film de Sean Penn, Flag Day, dont il interprète lui-même le rôle principal, celui d’un père mytho et manipulateur, qui retrouve sa fille. La fille de l’écran n’est autre que sa propre fille, la belle Dylan, comme quoi le talent est peut-être génétique, mais rien à voir avec les dynasties d’acteurs et d’actrices français. Dylan a une super belle voix, puisque c’est elle qui dit aussi le commentaire, et ce film mélancolique est plein d’amour. Le jour de la montée des marches, et après la projection, on raconte que le film a été applaudi pendant plus de 10 minutes. Je le crois volontiers, même si je n’y étais pas. Mais c’est un très beau opus, dans la lignée de Into the Wild. Je l’ai vu en plein milieu de cet après-midi cannois très ensoleillé, où on se sent un peu solitaire, un peu mélancolique car le festival va fermer ses portes. On l’a aimé, on l’a détesté pour ses queues, ses attentes, l’hypocrisie du monde du cinéma et la perte de temps pour des films qui ne valent pas grand-chose. Le temps d’avaler un mojito au resto de la plage du Miramar et de se rendre au Palais pour la soirée de clôture.

Et là, c’est le coup de poing sur la gueule d’apprendre que Titane a obtenu la Palme d’Or. On ne fera aucun commentaire, mais je crois qu’il est temps de changer de métier puisque ce film est aux antipodes du cinéma que j’aime. Du reste, je constate qu’aucun de mes coups de coeur annoncés dans les chroniques des jours précédents n’a été récompensé, sauf Un héros auquel le jury a remis le Grand Prix ex aequo et le prix d’interprétation masculine à Caleb Landry Jones pour Nitram qui le mérite haut la main.

Palmarès de la Sélection officielle

Palme d’or : Titane de Julia Ducournau

Grand prix ex aequo : Un héros de Asghar Farhadi et Compartiment n°6 de Juho Kuosmanen

Prix d’interprétation masculine : Caleb Landry Jones pour Nitram

Prix du jury ex aequo : Le Genou dAhed de Nadav Lapid et Memoria de Apichatpong Weerasethakul

Prix de la mise en scène : Annette de Leos Carax

Prix du Cinéma Positif : Haut et Fort de Nabil Ayouch


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