Sous les jupes des filles

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Pour son premier long métrage, Audrey Dana a laissé carte blanche à 11 actrices pour parler féminité, avec humour.

C’est après la projection du film de Jean Dujardin et Gilles Lellouche, Les Infidèles (2012), qu’Audrey Dana actrice s’est rendue compte que la comédie made in France était souvent une affaire masculine. Audrey Dana, réalisatrice, a décidé de prendre les devants et de tourner son premier long métrage comme une comédie burlesque et osée, sur les femmes d’aujourd’hui. Femmes de pouvoir, assistante, conductrice de bus, médecin, employée, mère au foyer, ce sont onze femmes que la réalisatrice a sélectionnées, mais surtout onze actrices charismatiques capables d’être toutes les femmes d’aujourd’hui. Il a fallu à Audrey Dana plusieurs mois, quatre cents rencontres avec des femmes de notre société, des milliards de questions sur la condition féminin pour écrire son long métrage. Le résultat : Sous les jupes des filles propose de manière très crue et avec des blagues au féminin, le portrait des femmes de notre époque autour du travail, de l’amour, du sexe, de l’amitié, de la famille.

Malgré un casting épatant – Vanessa Paradis, Laetitia Casta, Marina Hands, Alice Belaïdi, Julie Ferrier, Isabelle Adjani, Audrey Fleurot, Géraldine Nakache, Alice Taglioni, Sylvie Testud, Guillaume Gouix, Marc Lavoine, Pascal Elbé et Alex Lutz pour ne citer qu’eux – Audrey Dana fait dans la comédie potache. Son humour, sous la forme de scénettes qui s’enchaînent, de personnages qui vivent des événements marquants dans leurs vies sentimentales, professionnelles, amicales, et qui se retrouvent à la fin, va soit plaire, soit fortement déplaire. Et c’est d’ailleurs Audrey Dana elle-même, actrice dans son propre film, qui s’est attribuée le rôle le plus touchy, à savoir la maîtresse d’un homme marié, complètement obnubilée par ses règles et ses hormones, par le sexe et la passion.

 


Julie Ferrier dans Sous les jupes des filles / © Riccardo Tinelli – 2014 Fidélité Films – Wild Bunch – M6 Films  

 

Côté réalisation, Audrey Dana fait dans la comédie propre, séquencée, rythmée. Les plans sont dynamiques, joyeux, justes. Vanessa Paradis en chef d’entreprise impitoyable, assistée de la très bonne jeune actrice Alice Belaïdi, est crédible. Laetitia Casta, la belle mannequin actrice, joue l’émotive au prout, incapable de se retenir quand elle est amoureuse ou émue. Sylvie Testud est un personnage plus complexe, entre la femme et l’homme, maîtresse de son corps et de ses envies mais perdue. Isabelle Adjani, malgré sa forte chirurgie, joue une mère de famille bavarde, contrariée par son âge et la volonté de sa fille d’avoir des rapports sexuels. Géraldine Nakache, que l’on suit peut-être un peu plus que les autres, incarne une maman, débordée par les poubelles, les activités, le mari trop absent, trop dur avec elle sur son physique. Julie Ferrier, habituée à l’humour, fait la folle conductrice d’un bus de la RATP, en pleine liaison avec un acteur américain. Marina Hands joue particulièrement bien la cocue, triste et revancharde. Un peu moins évident pour sa collègue de travail à l’écran, Audrey Fleurot, et son rôle de fausse séductrice endurcie. Reste Alice Taglioni, la lesbienne séductrice, bien dans ses baskets et baby-sitter.

Même si l’on ne rigole pas à toutes les blagues, Audrey Dana a le mérite de proposer une comédie qui fait rire, qui fait plaisir. Avec quelques scènes scotchantes, on peut dire que ce n’est pas qu’un film à casting, à stars. Notamment la scène dans le restaurant entre Laetitia Casta et Pascal Elbé où elle apprend que ce dernier est célibataire et qu’elle explose de joie. C’est très drôle, très sympathique. Mais ce qu’il manque à la réalisatrice pour son premier long métrage, c’est l’émotion quelque peu trop attendue dans ses dialogues. Tous les efforts d’Audrey Dana, toutes les mises en scène ne parviennent pas à nous faire ressentir ce que ces femmes tentent de nous expliquer, de nous montrer. Sous les jupes des filles reste dans le domaine de la comédie brute, féminine et non féministe, légère.

 


Vanessa Paradis en plein lip dub dans Sous les jupes des filles / © Riccardo Tinelli – 2014 Fidélité Films – Wild Bunch – M6 Films  

 

Le choix pour la BO du film, Imany, n’arrange malheureusement pas les choses. À coup de chanson très populaire, un peu moins pop, le contenu des scènes perd de son énergie, de son originalité. Le film passe rapidement, on comprend les intentions mais on ne rigole pas à chaque fois. À la différence des Infidèles, film qui était chapitré, Sous les jupes des filles ne va pas jusqu’à regarder sous la jupe. Audrey Dana dresse le portrait de ses femmes, de ses actrices, qui sont devenues ses objets de rire. Tout comme les hommes du film, réduits à leur physique, à leur sex-appeal, à leur nudité ou à leur célébrité. Un premier film qui donne envie de rapidement voir le second !

Titre original : Sous les jupes des filles

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Durée : 116 mn


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