Maris en liberté

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Entre comédie et réalisme, Mariti in città se présente comme un sérum de vérité corrosif sur les hommes mariés qui prend toutefois l´allure d´un léger filtre d´amour.

Mario (Renato Salvatori), un jeune homme, récemment marié, un peu crédule, essaie de s’offrir la compagnie d’une jeune artiste peintre sur les conseils d’Alberto (Franco Fabrizi), un éternel séducteur.

« A Rome, des femmes font semblant de peindre. Proposez leur 10.000 lires pour un tableau. Un clin d’œil. Elles jouent les peintres mais … »

Derrière cette boutade presque grossière, Luigi Comencini introduit la première mèche de sa comédie-dynamite grand public : le mythe de la femme. Plus précisément, la trame narrative introduit un jeu presque enfantin entre Mario, dicté par un rêve hédoniste, et cette jeune artiste peintre sensible qui voit en lui un héros personnifié de l’Antiquité romaine.

Un soir, dans une rue noire, après un dîner romantique, notre jeune marié raccompagne la promise qu’il a rencontré. Elle lui dépose un rapide baiser sur la joue et monte dans sa chambre. Furieux de ne pouvoir passer la nuit avec elle, il repart, le tableau qu’il vient de lui acheter à la main. En ville, pour 10.000 lires, on peut s’offrir la compagnie d’une jeune femme.

L’imbroglio sentimental crée le décalage comique. La finesse de la description crée pourtant une rupture dans le style. Derrière ce doux romantisme plus cynique que rocambolesque, on retrouve un style, une touche qui mélange habilement spontanéité et sensibilité de caractères des protagonistes. A l’inverse des personnages plus acerbes et plus lisses de Dino Risi comme dans L’Homme aux cent visages (1960), Comencini se rapproche d’une théâtralité presque lyrique des sentiments. Ainsi, les personnages sont profondément mélancoliques à l’image de cette scène où Mario repart, bon gré mal gré, tête basse, son tableau à la main.

Mariti in città (1957) est une bonne illustration d’un mouvement cinématographique trouvant son apogée à la fin des années 70 en Italie, remplaçant « la comédie à l’italienne » par un « drame comique à l’italienne », sensible, ironique mais moins populaire.

« Je me fous de ce que fait Clark Gable. » rétorque Alberto à son épouse qui lui demande un enfant. Le personnage d’Alberto, outrageusement séducteur, est l’un des plus anecdotique. Dandy italien, il participe au pittoresque de la comédie au contraire du rôle de Giacinto. Son charisme est largement mis à l’écart de la touche nostalgique du film.

« Ma salle de bain est à ta disposition, quand tu voudras, même tout de suite si tu veux ».

Derrière un discours volontairement superficiel, Luigi Comencini cache d’autres mèches tout aussi intéressantes. Ainsi, Giacinto, professeur à la retraite, s’offusque que sa voisine utilise son bain pour se laver. Il la chasse sans ménagement. Puis il tombe éperdument sous le charme de cette déesse latine. Préférant spontanément l’indignation à l’adoration, le metteur en scène renverse l’humeur de ce personnage qui devient séducteur presque naïf d’une charmante voisine volage. Toutefois, Giacinto dépeint une certaine forme de dépendance affective.

« L’important n’est pas qui je suis. L’important est que votre femme n’est pas à la mer mais à Rome, avec un Monsieur que vous connaissez bien. Votre femme est chez lui, et elle s’amuse autant que vous. »

Fernando (Memmo Carotenuto) endosse le costume du mari volage et jaloux. A l’instar d’Alberto, son personage n’apporte que rire et dérision mais reste muet dans l’expression de sa jalousie possessive que l’on devine. Le trait est plus finement dessiné dans Pain, amour et jalousie (1954).

Dans Mariti in città,  « il n’y a d’amour ni pour les bêtes ni pour les humains », les sarcasmes sont exclusivement réservés aux maris ! Le mélange des caractères est parfois maladroit mais la trame narrative solide. Entre comédie et réalisme, Mariti in città se présente comme un sérum de vérité corrosif sur les hommes mariés qui prend toutefois l’allure d’un léger filtre d’amour.

Titre original : Mariti in città

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Durée : 95 mn


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