La guerre du Vietnam, entre fantasme et traumatisme

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I’m not going to be the first American president to lose a war ». (Richard Nixon) »

1968. La prise de Hué, après l’offensive du Tết, par le Viet Cong (Front national pour la libération du Viêt Nam), marque un tournant dans l’engagement des États-Unis. La guerre du Viêt Nam n’est plus militaire, elle est psychologique. Sur fond de conscription et face à l’enlisement du conflit, un mouvement citoyen, opposé à la guerre, naît aux États-Unis.

Jefferson Airplane chante White Rabbit, ou la nécessité de se nourrir la tête plutôt que le ventre. Référence à la drogue et aux stupéfiants, la guerre du Viêt Nam symbolise le fantasme de la liberté, hors du cadre américain, en même temps qu’elle symbolise une forme d’oppression au sein du pays. La guerre du Viêt Nam devient un paradoxe. Les soldats américains deviennent des idoles qu’on sacrifie. La société américaine y trouve les germes d’une révolution davantage culturelle que militaire.

La guerre du Viêt Nam est une image qu’on ne peut regarder. L’air de Fortunate Son des Creedence Clearwater Revival, résonne sur la sono saturée d’un hélicoptère. Le sifflement d’une kalachnikov résonne dans les décombres d’un bâtiment communiste en ruine. La fumée des cigarettes libère la souffrance des soldats basés à Saigon. Une vision ambiguë s’installe dans la conscience américaine. Au traumatisme des combats, on oppose la libération des mœurs. De cette épreuve est née une culture, avec ses préjugés, ses valeurs et sa fascination.

Pendant le conflit, la médiatisation officielle reflète une volonté farouche de populariser la guerre et de renforcer un sentiment de patriotisme américain. Le cinéma ne réagit pas pendant le conflit. Tout juste fait-il l’objet d’une piètre inhibition dans Les Bérets verts de John Wayne en 1968.

1978-1979 marque un tournant avec la sortie en salle de Voyage au bout de l’enfer (1978), du Le Retour (1978) de Hal Ashby, de Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola et de Hair (1979) de Milos Forman.

« Il y a comme un air de souffre, de fumée et de napalm ». Que ce soit dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, ou Platoon (1986) de Oliver Stone, le Viêt Nam exalte un sentiment de puissance. Ces films, tout en dénonçant le déluge de feu et de cris, cultivent une certaine fascination pour cette « guerre psychologique plein volume ».

Pourtant, au cinéma, le traumatisme reste l’ultime conclusion. Chaque film tente d’apporter un aspect de cette destruction. Le rejet dans Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino, la blessure dans Le Retour de Hal Ashby, le délire dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, la désinformation et la folie dans Full Metal Jacket (1987) de Stanley Kubrick, la déliquescence dans Platoon de Oliver Stone.

L’occasion pour le Coin du cinéphile de se plonger à travers ses films dans une thema incontournable du cinéma, symbolisant la distance entre perception et image. Entre fantasme et traumatisme.


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