Howl est volontairement divisé en quatre fils parallèles et concomitants : la lecture du célèbre poème par Ginsberg dans un bar underground new-yorkais au moment de sa parution, une interview reconstituée du poète, le procès intenté au texte pour obscénité (reconstitution et images d’archives), et des images d’animation censées illustrer l’oeuvre. On le sait, Bright Star l’a encore prouvé récemment, parler de poésie au cinéma n’est pas chose aisée. Howl, dans un premier temps, s’en sort plutôt bien en éclatant le récit, offrant quatre grilles de lecture qui empêchent le film de sombrer dans une posture statique. Epstein et Friedman, rompus à l’exercice documentaire, particulièrement sur les thèmes de l’homosexualité (on leur doit notamment The celluloid closet et The times of Harvey Milk), apportent une vision pas dénuée d’intérêt d’un ouvrage qui fit scandale en montrant assez finement la souffrance qui peut découler de l’acte de création.
C’est pourtant précisément dans ce mélange des genres, et en voulant faire de Howl un objet purement fictionnel en même temps qu’un document militant, que les deux cinéastes perdent de leur force de frappe. Il y a, à la vision de Howl, la désagréable impression que le film n’est jamais tout à fait là où il devrait être. L’idée de centrer le regard sur le poète et non pas sur l’homme était judicieuse : sauf que ce n’est pas la lecture de Howl qui accroche, mais bien l’entretien sous forme de confessions avec un Ginsberg trop en avance sur son temps. C’est son rapport à Kerouac, la manière dont il il fit exploser le conformisme et le langage, que l’on voudrait voir explorés davantage. Quant aux scènes de procès, elles se suivent sans peine mais semblent fabriquées, destinées à faire des performances de Jon Hamm et Mary Louise Parker un simple plaisir d’acteur plus qu’à évoquer un carcan de la pensée de l’époque. Les plans d’animation, quant à eux, sont trop littéralement accrochés au texte pour faire advenir la magie.
Reste James Franco, décidément très à l’aise en hipster des années 50 et convaincant en poète vilipendé. Disons-le, c’est pour lui qu’on regarde Howl sans ennui : pour le voir minauder, charmer son interlocuteur, aligner les bons mots et manier le sens de la formule. Grâce à lui, le film dessine parfois Allan Ginsberg tel qu’il était : grand rhétoricien, poète qui n’aimait rien tant qu’être maudit et trimballait l’élégant snobisme des incompris.